Sur fond de révision des contrats miniers, la guerre des clans fait rage autour du Président Félix Tshisekedi sur la gestion des fonds décaissés par les Chinois.
« Vous devez m’aider monsieur l’Ambassadeur car les promesses des Américains n’ont rien donné. La Chine est notre partenaire. Vous devez nous aider ! » affirme avec insistance Félix Tshisekedi dans son adresse à l’ambassadeur de Chine en RDCongo. ZHU Jing. Le diplomate chinois garde silence. La scène se déroule dans la résidence de l’ambassade de Chine. Du jamais vu ! Ancien condisciple du Président Emmanuel Macron avec lequel d’aucuns prétendent qu’il aurait conservé d’excellentes relations, Zhu Jing manie le français avec subtilité. Le diplomate chinois qui a commencé sa carrière à Paris connaît parfaitement les codes de la diplomatie occidentale. Recevoir un Chef d’Etat africain dans les murs de la chancellerie est un fait assez exceptionnel que les observateurs décrypteront certainement comme une victoire de Pékin face aux Etats-Unis.
La contre-offensive des Chinois
A ce dîner tenu secret, l’ambassadeur ZHU Jing a associé le patron de China Molybdénum, CMOC, le plus grand producteur de cuivre et de cobalt de la RDCongo. CMOC détient aujourd’hui 80% de Tenke Fungurume, la plus grande mine de cuivre connue en RDCongo.
Rangé parmi les 5 plus grandes compagnies minières du monde, CMOC est le premier producteur mondial de Tungstène et le second producteur mondial de cuivre et de nobium. De son quartier général à Luanchuan dans la province de Henan, depuis plusieurs mois, le CEO de CMOC, Yuan Honglin, suit de près la situation de ses assets en RDCongo.
Pour la petite histoire, en 2016, pour le rachat de TFM à l’américain Freeport Mc Moran qui détenait 56%, CMOC a déboursé 2,56 milliards USD. Deux années plus tard, par l’utilisation de son fonds d’investissements, le géant chinois a réglé rubis sur ongle 1, 14 milliard USD les 24% de TFM détenus par le groupe Lundin. Désormais, le tour de table des actionnaires de TFM RDCongo se limite à deux partenaires, à savoir CMOC et la Gécamines qui conserve 20% du gisement de cuivre le plus important de RDCongo.
La valse des milliards
Dès sa prise de pouvoir en janvier 2019, Félix Tshisekedi porte son choix sur son ami, Dany Banza, ancien transfuge du G7, pour prendre le contrôle du Katanga. Le Chef de l’Etat congolais accorde pleine confiance à Dany Banza qui connaît les rouages économiques du Katanga pour avoir été un proche de l’ancien gouverneur Moïse Katumbi. Disposant d’une carte blanche sur la gestion des mines, aucun dossier n’échappe à Dany Banza qui rend compte à Félix Tshisekedi de toutes les affaires en cours. En quelques mois, les opérateurs chinois et indiens se plient aux instructions de l’ambassadeur itinérant fraîchement nommé par le Chef de l’Etat congolais qui prend des participations dans toutes les unités d’exploitation des rejets miniers.
Dany Banza avance dans l’ombre. Il obtient la tête de son ancien mentor, Richard Muyej, le puissant gouverneur du Lualaba qui est éjecté par un vote du parlement provincial. La mainmise de Banza sur l’ancien Katanga est totale. Fifi Masuka, la gouverneure a.i. de Kolwezi obéit au doigt et à l’œil à Dany Banza. Dans la gestion des carrières et des rejets miniers, rien n’échappe aux Tshisekedi et à Banza. Dans sa course au pouvoir, ce dernier parvient à placer son homme de paille, Sama Lukonde, au poste stratégie de Directeur Général de la Gécamines.
Forts des dossiers qu’ils découvrent dans les tiroirs de la Gécamines, Dany Banza et Sama Lukonde observent que de nouvelles marges substantielles peuvent encore être dégagées du partenariat avec CMOC dans l’exploitation de TFM. La réactualisation des parts de la Gécamines sur base des réserves certifiées aboutit à exiger du partenaire chinois une enveloppe additionnelle de 9 milliards USD afin de prétendre disposer de 80% des gisements. Dany Banza convainc Félix Tshisekedi de s’engager dans la révision des contrats chinois.
Au sein du pouvoir, Dany Banza renforce ses position. Il rallie le conseiller spécial chargé des investissements Jean-Claude Kabongo à sa cause pour engager la négociation avec le géant chinois. Dans un premier temps, forts des nouvelles réserves certifiées, D. Banza, Sama Lukonde et JC Kabongo obtiennent l’ouverture de la renégociation avec CMOC. Un pas de porte de 300 millions USD est négocié. CMOC plie aux exigences des conseillers de Félix Tshisekedi. Dans le plus grand secret, l’enveloppe est libérée par CMOC. Le Président congolais est séduit par l’audace et l’efficacité de l’ambassadeur Dany Banza.
Pour verrouiller l’accord et rassurer le partenaire chinois, Dany Banza conseille à Félix Tshisekedi de confier la Primature à Sama Lukonde. Faute d’être aguerri, l’homme est loyal et fidèle. Cette nomination ouvre la voie à la finalisation de l’accord entre la Gécamines et CMOC.
La libération des premiers fonds chinois marque un tournant décisif vers un arrangement hors norme. Félix Tshisekedi veut aller vite. Il autorise Dany Banza à accélérer les négociations et autorise de ramener les exigences congolaises de 9 milliards USD à 2,5 milliards. Une marge de 6,5 milliards inespérée pour la partie chinoise ! A Luanchan, l’atmosphère est à la détente. Elle devient encore plus sereine quand Dany Banza et JC Kabongo informent le partenaire chinois des modalités de décaissements des fonds. Les hommes de Tshisekedi invitent la partie chinoise à régler 1 milliard USD directement dans le compte de la Gécamines et à verser le solde de 1,5 milliard sur un compte à Dubaï.
Lors du dîner à la résidence de l’ambassadeur ZHU, le CEO de CMOC confirme à Félix Tshisekedi l’acceptation de l’accord et de ses modalités. Les fonds seront bien versés à Dubaï.
La guerre des clans
A Monaco, où Dany Banza a établi ses quartiers, le nouvel homme fort du Katanga gère les comptes du Président. La répartition de l’enveloppe de 300 millions s’est faite dans le plus grand secret. Ce partage va relancer la guerre des clans au sein de la Présidence. Le directeur de cabinet du Président Guy Nyembo et son adjoint chargé des questions économiques Wameso s’inquiètent de la tournure que prennent les affaires conduites par Dany Banza. Face à l’offensive chinoise et le « deal » de CMOC, Glencore et Dan Gertler apparaissent comme des enfants de chœur. Le Directeur de Cabinet redoute d’affronter une société civile totalement remontée contre le pillage des ressources naturelles.
La situation est d’autant plus tendue que les informations remontent à Washington où la mise sous influence chinoise du pouvoir de Kinshasa inquiète l’administration Biden. Mike Hammer assiste au désastre d’une diplomatie reposant sur l’appui sans condition à Félix Tshisekedi. Au risque de mettre à mal le schéma de Dany Banza, Guy Nyembo prend la décision de dépêcher une forte équipe de l’Inspection Générale des Finances pour examiner à la loupe tous les contrats de la Gécamines. Sursaut de lucidité ou volonté de se rendre incontournables dans la plus grande opération de prédation minière jamais réalisée en RDCongo ?
La révision des contrats chinois n’aura été que de la poudre jetée aux yeux des Congolais et des Occidentaux. En quelques mois, le pouvoir de séduction de l’argent, l’appât du gain facile et l’irrépressible envie d’enrichissement rapide se sont imposés à Félix Tshisekedi et ont définitivement pris le pas sur sa volonté de mettre le peuple congolais au premier rang de ses priorités. Il est définitivement révolu, le temps où l’on proclamait urbi et orbi le peuple d’abord !
Bernard Mulumba
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