Depuis plusieurs semaines, les combats font rage entre le M23 et les combattants des groupes armés locaux rangés sous l’appellation des Wazalendo, « les patriotes » en swahili. Les combats se situent à une dizaine de kilomètres de Goma. Autrefois opposée au gouvernement de Kinshasa, cette constellation de groupes armés a repris quelques territoires occupés par le M23 sous le regard bienveillant des FARDC. Les renseignements glanés auprès de la MONUSCO donnent à comprendre que les Wazalendo sont devenus les supplétifs des FARDC. Pour l’heure, l’alchimie entre les deux troupes semblent prendre forme avec ci et là des problèmes liés à des soucis de communications.
A Goma, les avis sont partagés. « Les Wazalendo ne sont que des bandits et des coupeurs de route. Ils se sont rangés aux côtés des FARDC en empruntant leurs uniformes. En réalité, ce sont nos éléments de l’armée nationale qui combattent. Pour ne pas être accusés par les troupes de l’EAC de faire la guerre, les FARDC se cachent derrière les Wazalendo », affirme un jeune universitaire qui affirme que cette alliance contre nature a rendu la ville de Goma encore plus dangereuse et invivable pour tout le monde. « On a peur de circuler dès que le soleil est tombé dans la ville. Il y a des hommes armés partout. La journée, dès qu’on sort de Goma, à chaque kilomètre on doit payer 1000 FC à chaque barrière érigée par les Wazalendo », se plaint une maman commerçante.
Pour l’heure, là où les forces des Nations Unies ont été incapables de relever le gant face aux M23, la coalition entre les FARDC et les Wazalendo donne du fil à retordre à la rébellion pro-rwandaise. Si le gouvernement de Kinshasa a décidé de mettre en avant les résistants, c’est pour ne pas être pris à défaut par les pays voisins. Signataire des accords de Luanda et de Naïrobi, Kinshasa ne peut justifier une offensive alors que les Chefs d’Etat de la Région continuent à évoquer la nécessité d’un dialogue et d’un cantonnement du M23.
La montée en puissance des résistants est le résultat d’une stratégie concoctée par Félix Tshisekedi et du ministre de l’Enseignement Supérieur et Universitaire, Muhindo Nzangi. A peine sorti des rangs du parti de Moïse Katumbi à la faveur de la mise en place de l’Union Sacrée, Muhindo Nzangi est devenu l’enfant chéri du Chef de l’Etat. Fort de ses réseaux dans le grand nord du Kivu, le ministre de l’ESU a pris en main la logistique des Maï Maï de Beni et de Butembo. Autrefois, c’était Mbusa Nyamwisi qui avait la main sur cette troupe dont une partie avait été intégrée dans les forces du RCDKML durant la guerre de 1998-2003. Au fil du temps, l’étoile de Mbusa Nyamwisi, suspecté d’avoir été impliqué dans des crimes de guerres, notamment à Nyankunde, en Ituri, a pâli.
A l’époque, le président Kabila avait tôt fait d’élimer les griffes du chef de guerre en créant la division au sein de la communauté Nande par l’émergence de l’ancien gouverneur Julien Paluku. Aujourd’hui, Félix Tshisekedi a choisi le bouillant Muhindo Nzangi. Et pour ne pas faire dans la demi-mesure, le trio Nzangi-Paluku-Nyamwisi trône au sein du gouvernement Sama Lukonde.
Assurément, les Nande sont les mieux servis parmi toutes les communautés du Nord Kivu. Ce choix a largement facilité l’intégration de leurs éléments dans un plan général de constitution d’une force d’auto-défense capable de résister et d’anéantir le M23. Il est vrai que les Maï Maï sont représentés par des ministres, sénateurs et députés dont l’influence dans la capitale Kinshasa est à la mesure de leurs forces de nuisance dans l’Est.
Chaque mois ce sont des dizaines de millions de dollars qui sont décaissés par le grand trésorier de la République pour répondre aux besoins de la guerre des Wazalendo, des FDLR, des FARDC et des autres groupes armés.
Ce groupe hétéroclite qui tient dans la forme de la cour des miracles est le prétexte pour l’enrichissement de quelques hommes politiques et d’une poignée d’officiers par qui transitent les ressources allouées à la guerre.
Au sein de l’armée, les dents grincent. « Nous voyons des ministres, qui n’ont ni titre ni qualité, siéger au Conseil de défense », affirme un officier supérieur. Le malaise est réel et grandit. L’intrusion des politiques dans les décisions militaires est mal vécue au sein de l’Etat-Major. Diplômé d’une grande académie militaire, l’officier poursuit : « Comment pouvons-nous accepter de voir des politiciens gérer les affaires militaires. Leur seul intérêt consiste à attendre le décaissement des fonds qu’ils détournent dans leur compte à Kinshasa ». Les Wazalendo ne sont pas équipés pour affronter la coalition entre le M23/RDF. Ils n’ont ni armes ni munitions en quantité.
La supercherie du ministre
Au Nord Kivu, les résistants Maï Maï ne sont pas dupes. Les hommes politiques sensés représenter les groupes les plus importants reçoivent une dotation mensuelle du ministères des Finances qui va jusqu’à un million de USD mensuel. « Alors que nous mourons, à Kinshasa, les ministres chargés de s’assurer de l’approvisionnement des troupes à l’Est achètent des villas pour eux et pour leurs maîtresses. Ils roulent carrosse dans la ville avec des dizaines de gardes du corps », affirme un responsable d’un groupe Maï Maï. qui tente de comprendre comment le ministre chargé de l’Enseignement Supérieur et Universitaire est parvenu à prendre la main sur la gestion des Wazalendo. « Ce n’est pas avec quelques combattants de Beni et de Butembo qui ne sont même pas en première ligne que Nzangi peut tromper. Il ne fait que mentir à Fatshi. Nous, on sait où il cache l’argent qui doit servir à acheter nos armes », dit-il.
Après une offensive qui s’est révélée désastreuse sur le plan des pertes en vies humaines et en matériel, les éléments des FARDC affirment avoir été pris en tenaille entre les M23 et les Wazalendo. Ils affirment que devant la force de feu des rebelles du M23, lors de leur repli stratégique, ce sont les Wazalendo qui les ont pris pour cible. Ils ont été contraints d’abandonner leurs fusils d’assaut, munitions, drones et appareils de communication dans les trous de fusiliers.
Au sein de l’Etat-Major, les anciens de l’administration revivent les affres vécues lors des guerres précédentes. L’achat des armes et des munitions fait l’objet de détournements. Les frais de ménage de la troupe (alimentations, savons, rasoirs,…) arrivent au compte-gouttes. Sur la réserve stratégique qui s’élève à 6 millions USD/mois, au désarroi des officiers, le ministre de la Défense prélève 2 millions USD. Quant au reste, il aboutit péniblement au soldat de la troupe qui reçoit 500 FC/jour pour manger. La solde de l’armée accuse un retard de près de deux mois. La troupe murmure. Pendant que les mercenaires roumains dorment dans les hôtels de Goma, que les pilotes de drones turcs s’entraînent à Ndolo et que les formateurs blancs logés à Moanda forment les jeunes recrues à Kitona, le ministre Muhindo Nzangi continue à accumuler les dollars destinés aux Wazalendos sur ses comptes en banque et à acheter des villas à Ma Campagne et à la Gombe sur le sang de ses frères du Nord Kivu. Drôle de guerre vraiment !
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