Depuis quelques jours, le gouverneur du Haut Katanga, Jacques Kyabula, est devenu la proie des jeunes de l’UNAFEC. Un membre des membres fondateurs de l’UNAFEC ne cache pas sa colère. « On en veut à Kyabula parce qu’il a comploté avec les services de renseignement pour nous accuser de travailler avec Moïse Katumbi pour faire une sécession du Katanga ».
Pour l’UNAFEC, Jacques Kyabula a franchi les bornes de l’acceptable. « Nous savons que c’est la seule façon pour lui d’avoir la sympathie de la famille Tshisekedi. Il veut se faire sa place au soleil sur notre dos», poursuit notre interlocuteur.
Un homme sans carrure
En réalité, la trajectoire politique de Jacques Kyabula Katwe, 47 ans, est particulièrement tortueuse. Député de Likasi en 2018, Jacques Kyabula est choisi par le PPRD de l’ancien Chef de l’Etat pour diriger le Haut Katanga. Fort de ce soutien, Kyabula, qui fut ministre provincial des Finances, nourrit l’ambition de remplacer Katumbi dans le cœur des Katangais. Il s’octroie même la présidence du FC Lupopo et engage la réhabilitation du stade. Mais nombre de Lushois constatent que l’homme n’a pas la carrure pour devenir le champion du Katanga.
A la faveur des accords CASH-FCC, Jacques Kyabula quitte sa famille politique pour se placer sous l’aile protectrice de l’ambassadeur itinérant, Dany Banza Maloba. Ce dernier qui est un des hommes de confiance du Chef de l’Etat prend en réalité les commandes du Haut Katanga et du Lualaba.
Mais à mesure que le temps passe, au fil des voyages réguliers de la fratrie Tshisekedi au Katanga, Jacques Kyabula gagne la confiance de la fratrie. Il n’en faut pas plus pour que le gouverneur prenne ses distances vis-à-vis de son parrain Dan Banza.
Le prix de la trahison
En quête d’une nouvelle autonomie politique, Jacques Kyabula crée son parti politique pour faire alliance avec l’UDPS. Cette émancipation a un prix. La tête de Moïse Katumbi et le démantèlement de l’UNAFEC, le parti de feu Kyungu wa Kumwanza sont mis en jeu. Kyabula accepte de les livrer. Les ténors de l’UDPS n’ont jamais pardonné à l’UNAFEC les années noires au cours desquelles Gabriel Kyungu avait lancé un véritable pogrom contre la communauté kasaïenne vivant au Katanga.
Le ralliement du Gouverneur du Haut Katanga est donc perçu comme un aubaine par Peter Kazadi et Augustin Kabuya. Non seulement Jacques Kyabula assure à la famille Tshisekedi et aux proches une totale couverture dans l’exploitation des carrés miniers et l’exportation frauduleuse des minerais, mais sur le plan politique, il garantit la neutralisation de l’UNAFEC et la fin politique de Moïse Katumbi.
Le pari de la sécession
Résolu à démontrer sa loyauté à ses nouveaux mentors, Jacques Kyabula tente le pari de faire d’une pierre deux coups en associant l’ancien gouverneur du Katanga et l’UNAFEC dans une tentative de sécession du Katanga.
« Même si nous ne sommes pas d’accord avec Katumbi car nous sommes les alliés du Chef de l’Etat, nous n’accepterons jamais d’être associés à une sécession katangaise. Nous disons non à Kyabula qui veut sur notre dos se faire une réputation chez Tshisekedi », tonne un ancien conseiller de Kyungu wa Kumwanza qui affirme que « cette affaire de sécession est cousue de fil blanc pour arrêter Katumbi et nous faire porter avec lui le chapeau. Nous ne sommes pas d’accord ».
Les rois des coups tordus
Dans un premier temps, Jacques Kyabula et son ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Eric Muta décident de faire cause commune. Issu des rangs de l’UNAFEC, E. Muta Ndala est une voix qui compte dans le parti. Il est dépêché à Kinshasa pour monter avec les services de renseignements le faux dossier d’un projet de sécession katangaise .
Pour donner à cette affaire toutes les apparences de la réalité, Peter Kazadi, le Vice-Premier Ministre de l’Intérieur ordonne aux services de renseignements congolais de sortir Mukelekele, le numéro deux de Gédéon, qui croupit dans leurs cachots depuis le démantèlement de la milice des Bakata Katanga.
Pour rappel, entre 2011 et 2014, alors qu’il était le chef de la milice Bakata Katanga, Gédéon Kyungu Mutanga et ses hommes, au rang desquels Mukelele, avaient été impliqués dans des graves atteintes des droits de l’homme, des crimes de guerre, y compris des attaques contre des civils, dans le sud-est de la République Démocratique du Congo. Considéré comme une menace à la paix, la stabilité et la sécurité, Gédéon Kyungu Mutanga Wa Bafunkwa Kanonga avait été inscrit en janvier 2018 sur la liste des sanctions des Nations Unies. Disposant de complicité parmi les dirigeants de l’ancien régime, Gédéon avait été arrêté puis s’était évadé dans des circonstances rocambolesques. Par contre ses principaux lieutenants, parmi lesquels Mukelekele avaient été transférés à Kinshasa.
C’est en échange d’une promesse liberté que Mukelekele est invité à se rendre au Katanga afin d’y rencontrer Moïse Katumbi. Le complot est simple. Il faut que les agents de la DEMIAP procède à l’arrestation en flagrance de Moïse Katumbi. Sitôt que Mukelekele aura franchi le portail de la résidence de Katumbi, les agents du DEMIAP positionnés aux alentours investiront la parcelle pour se saisir de Moïse Katumbi, l’arrêter, le déférer au parquet de Lubumbashi et le condamner pour tentative d’association criminelle visant à la sécession du Katanga. Sitôt arrivé à Lubumbashi, Mukelekele essaye d’approcher Moïse Katumbi. Malgré de multiples ruse, toutes les tentatives se révèlent vaines. Les portes de la résidence restent fermées.
L’opération ayant échoué, un plan B est savamment monté. En complicité avec le Gouverneur Kyabula qui leur alloue les moyens financiers, les agents des services de renseignement tentent de placer des armes dans la ferme de Katumbi, située à une trentaine de kilomètres de Lubumbashi dans le village de Futuka. Les agents chargés de déposer les armes dans les entrepôts sont repérés par des villageois. L’alerte est donnée et l’opération échoue.
Faux vrais vols de cathode
Toutes ces tentatives ayant lamentablement échoué, Jacques Kyabula est sous la menace de son ministre de l’Intérieur, par ailleurs président provincial de l’UNAFEC, impliqué dans ces montages. Profitant d’un voyage à l’étranger de son ministre, le gouverneur du Haut Katanga l’accuse d'être à la base du détournement de près de 120 tonnes de cathode de cuivre perdus de Tenke Fungurume Mining.
Le 11 juillet 2023, fort de ses réseaux à Kinshasa, Jacques Kyabula obtient du Procureur général près la Cour de Cassation, Firmin Mvonde Mambu, un mandat d’amener contre Éric Muta. ce document précise que cette décision est prise à cause du "refus de Érick Muta Ndala" de répondre au mandat de comparution initié il y a peu contre lui. « Attendu que cette infraction est punissable de deux mois ou plus de servitude pénale, qu’il existe contre l’inculpé des indices graves de culpabilité et qu’il y a lieu de craindre qu’il ne tente de se soustraire par la fuite aux poursuites ou de faire disparaître les preuves de cette infraction », lit-on dans cette correspondance qui précise « Demandons et ordonnons que le susdit monsieur Erick Muta Ndala, soit arrêté et amené devant nous, requérons tous dépositaires de la force de l’ordre de prêter main-forte en cas de nécessité pour l’exécution du présent mandat ». De l’étranger, le ministre Muta Ndala crie au complot et accuse son chef, d’être l’auteur de ce vol.
Le 28 juillet, des jeunes gens aux ordres de Jacques Kyabula procédent à l’attaque de la résidence du ministre de l’Intérieur en forçant la barrière et en incendiant la paillote. En rétorsion, les jeunes de l’UNAFEC brûlent des pneus dans plusieurs coins stratégiques de la ville de Lubumbashi. Le Katanga vit sous tension.
Le langues se délient
La roue a donc bel et bien tourné pour le gouverneur Jacques Kyabula. « A vouloir la peau de Katumbi, piétiner l’UNAFEC et se débarrasser de son protecteur Dany Banza, Kyabula a eu les yeux plus gros que le ventre », s’amuse-t-on à raconter dans les salons de Lubumbashi. Les langues se délient. Des révélations sur la gestion du gouverneur font les conversations. De toutes les provinces du pays, le Haut Katanga est la plus endettée de la RDCongo. La province frôle la banqueroute. Les recettes sont détournées. Les encaisses du péage sont systématiquement détournées. Les agents de certaines banques ne font pas dans la discrétion. Ils révèlent que les pourcentages des intérêts débiteurs sur les emprunts de la province sont négociés en personne auprès de chacune des banques de la place par Jacques Kyabula. On parle d’un scandaleux contrat signé par le gouverneur avec une société privée de conseils financiers proche de l’Inspection Générale des Finances. Sous couvert de renforcer la maximisation des recettes de la province, Jacques Kyabula verserait à un responsable de l’IGF près de 350.000 Usd/mois pour cette consultance. L’impunité n’a vraiment pas de prix ! Les Katangais exigent un audit de la gestion de la province.
Depuis plusieurs semaines, Jacques Kyabula vit dans la peur. Il sait que le complot imaginaire dans lequel il a voulu impliquer Moïse Katumbi sera rapidement éventer et que Éric Muta va parler un jour. Le gouverneur du Haut Katanga ne se fait plus d’illusion. Ce n’est pas à la 10ème rue à Limete qu’il trouvera son salut. Ni Peter Kazadi, ni Augustin Kabuya, encore moins la famille ne lèvera le petit doigt pour sauver un homme qui a lamentablement échoué !
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