Les quatre frères Dalton font partie de la grande épopée de l’histoire du western. Ils écumaient les coffres et semaient la terreur sur leur passage. En RDCongo, Joe, Jack, William et Averell ont pour nom Félix Tshisekedi, Nicolas Kazadi Kadima-Nzuji, Marie-France Malangu Kabedi Mbuyi et Jean Mabi. Tous sont issus du même terroir et parlent le même langage. La bande des quatre agit dans une parfaite connivence. On aurait pu s’attendre à ce que le FMI prenne le colt de Lucky Luke et l’étoile du shériff pour les emmener casser des pierres dans un pénitencier, il n’en est rien. Kristina Georgieva, la directrice du FMI, et David Malpass, le directeur sortant de la Banque Mondiale, ont décidé de les laisser vider tranquillement les caisses.
"Faire crédit aux institutions de Bretton Woods et aux missions qu’elles dépêchent régulièrement à Kinshasa de vouloir accompagner le redressement des finances de la RDCongo c’est tout simplement faire insulte à l’intelligence", affirme-t-on à la direction des étude de la Banque Centrale. Pour nombre d’observateurs, la complicité du FMI et de la Banque Mondiale dans le pillage du Congo est évidente. Les deux institutions continuent d’arroser généreusement par des appuis budgétaires très importants un gouvernement bien peu enclin à rendre compte de l’utilisation de ces fonds. En réalité, l’argent des deux bailleurs alimentent le train de vie scandaleux des institutions congolaises. A Kinshasa, tout le monde roule carrosse. Les parkings des restaurants sont remplis de 4X4 de grand luxe achetés sur ces fonds et les officiels font l’achat de somptueuses résidences et d’appartements dans les avenues huppées de la commune de la Gombe voire même pour le ministre des Finances d’une île sur le majestueux fleuve Congo. Il y a sans nul doute un peu de Gatsby le Magnifique dans Nicolas Kazadi.
"Les appuis budgétaires généreusement accordés à Nicolas Kazadi par Washington, c’est du cash en décaissement unique", explique un fonctionnaire de la BCC. Au sein du ministère du Budget, les langues se délient. On ne décolère pas. « Notre ministre passe son temps à régulariser les dépenses effectuées par le ministre des Finances sur instruction de la Présidence. En réalité, Félix Tshisekedi et Nicolas Kazadi gèrent les caisses de l’Etat comme leur boutique ».
Où sont passés les millions ?
Officiellement, les appuis budgétaires alloués par les deux institutions de Bretton Woods sont destinés à financer les interventions économiques du Gouvernement. Ce sont près de deux milliards USD qui ont été versés dans le compte du Trésor et dont le circuit des dépenses est difficilement retraçables. Dans les couloirs de la primature, même le très placide et indolent Premier Ministre Sama Lukonde se tient la tête devant les sommes astronomiques à justifier. «70% des dépenses effectuées par le ministre des Finances sont effectuées en dehors de la chaîne de dépenses », déplore-t-on au sein de la Direction du Trésor.
Tous les observateurs s’accordent à dire que dans l’histoire du pays, rarement un tel niveau d’opacité et de détournements n’a été atteint. La dispersion des ressources publiques bat son plein. Pour preuve, moins de 20% de l’utilisation des fonds alloués par les bailleurs dans le cadre de la lutte contre le COVID ont été justifiés. Les appuis budgétaires du FMI, de la Banque Mondiale et de la Banque Africaine de Développement sont dilapidés. Les audits exigés par ces institutions sont soigneusement gardés au secret dans leurs tiroirs. A Washington on garde silence, on ferme les yeux et on se bouche le nez. « Comment peut-on donner autant d’appuis budgétaires dans un contexte où toutes les ressources allouées au gouvernement disparaissent ? Est-ce de la complicité ? Les bailleurs ont-ils changé de stratégie pour accorder de tels montants sans exiger la moindre redevabilité ? », s’interroge un fonctionnaire congolais des Finances.
Le dernier rapport d’audit de la Cour des comptes sur l’utilisation de l’appui budgétaire de la Banque Mondiale alloué au second semestre 2022 est tout simplement explosif. Or, dans quelques semaines, la Banque Mondiale va décaisser un nouvel appui budgétaire de 500 millions qui sera sans aucun doute lui aussi dilapider comme l’ont été près de deux milliards de fonds alloués au cours des deux dernières années.
«Les fonds décaissés par la BRI atterrissent dans les sous-comptes ouverts à la Banque Centrale du Congo. Ils sont ensuite débités sur instruction du Ministre des Finances par le BCECO dans ses comptes loges à la Rawbank, la FBN Bank et la SOFIBANQUE », explique-t-on à l’Inspection générale des Finances. Au passage, ces trois institutions bancaires se rémunèrent à travers des commissions substantielles négociées par le coordonnateur du BCECO. Les hommes de Jules Alingite Key Keita suivent également ce dossier de près. Les surliquidités de ces banques impactent le marché des changes. Depuis le second semestre 2022, les dérapages sur le marché des changes et l’augmentation des prix produits de consommations sont liés à des problème budgétaires. Le Budget en devises accusent un déficit. On dépenses et malheureusement les ressources ne suivent pas.
25 millions de dollars pour des panneaux publicitaires
Au cours de l’exercice 2022, près de 400 millions USD ont été alloués au BCECO. Le patron du BCECO, Jean Mabi est devenu le trésorier de la bande des quatre. Parmi les fonds gérés par cette agence d’exécution au titre de l’appui budgétaire de la Banque Mondiale, la Cour des Comptes a listé entre autres 20 millions USD affectés au démarrage du projet de modernisation du réseau ferroviaire urbain de la ville de Kinshasa (METROKIN). Elle a également relevé le paiement en faveur de la société Mabasen Atlantic Fishing de près de 10 millions USD au titre d’ouverture du credoc dans le cadre de l’exploitation d’un quota de pêche de 27.300 MT acquis auprès du gouvernement namibien. « Ce paiement d’une opération commerciale n’est absolument pas du ressort d’une agence d’exécution du gouvernement dont la mission est consacrée au développement », affirme un agent du BCECO.
Parmi les dépenses hors normes opérées par Jean Mabi, on note particulièrement l’achat de fournitures, implantation et affichage des panneaux publicitaires dans les 145 territoires du pays dans le cadre du programme PDL-145 pour la bagatelle de 47 298 233 806,11 FC soit près de 24 millions USD. « Comment a-t-on pu dépenser 24 millions pour des panneux publicitaires dans un pays où les routes de desserte agricules sont abandonnées ? Ce montant aurait pu réhabiliter plus des milliers de kilomètres de route en terre », déplore un conseiller en colère devant autant de gabegie financière.
Le fait du prince
Le BCECO est également mis à contribution pour les travaux de réhabilitation, d’équipement et de réfection des sites présidentiels. Le Palais du Mont Ngaliema a absorbé à lui seul plus de 150 millions USD. Sans parler de la construction du Centre financier auquel tient tant le ministre Nicolas Kazadi. Ce projet devrait engloutir la modique somme de 300 millions USD. Bien loin de « l’immeuble intelligent » du Premier Ministre Matata qui, pour 40 millions USD, avait fait couler beaucoup d’encre. Pour la réalisation du centre financier, le ministre a fait appel à MILVEST AKARYAVIT, une entreprise turque de plus en plus sollicitée par Nicolas Kazadi.
Dans son rapport, la Cour des Comptes relève que « le sous-compte appui budgétaire de la Banque Mondiale du compte général du Trésor est systématiquement actionné par de simples correspondances du ministre des Finances adressées au gouverneur de la Banque Centrale du Congo, BCC ». La Cour de comptes poursuit : « Le recours à cette pratique tant décriée par la Cour des Comptes a fait qu’aucun décaissement effectué sur le sous compte n’est passé par la chaîne de dépense pour y être soumis aux différents contrôle… »
Tous les décaissements effectués sur les fonds du FMI et de la Banque Mondiale sont suspectés d’avoir servi aux paiements de rétrocommissions. L’acquisition de véhicules terrestres pour 10 Millions USD ou l’installation de stations solaires d’eau potable pour 24 millions USD, et nombre d’autres dossiers ont souvent été payés en violation des règles de passation de marché.
A la lecture du rapport de la Cour des Comptes, on mesure l’ampleur du désastre. Suite aux pratiques irrégulières de Nicolas Kazadi, la Cour des Comptes affirme que certaines entités publiques n’ont jamais dépensé les fonds qu’elles ont obtenus depuis plusieurs mois. C’est le cas notamment de trois décaissements d’un montant total de CDF 98 386 502 514, soit près de 50 millions USD, effectués entre juin et octobre 2022 pour l’exécution d’un projet du ministère de la Santé Publique relatif à la construction sur des sites non encore identifiés de 1.000 centres de santé. C’est également le cas pour la somme de CDF 130.082.910.506, soit 65 millions USD, provisionnée dans un autre sous-compte du Trésor en vue de paiement de la pension pour les Agents de l’Etat mis à la retraite. « Où sont ces centres de santé construits sur des sites non identifiés et qui sont ces fonctionnaires retraités ? », demande-t-on dans les couloirs de la Cour des Comptes.
"Peu importe le coût"
Au niveau de la Présidence de la République, on ferme les yeux sur le BCECO. Tous les regards sont par contre tournés vers le fameux Programme de Développement Local, PDL, qui touche les 145 territoires du pays. Sa première composante consacrée à la construction et aux équipement des infrastructures sociales et administratives a déjà consommé 511 millions USD. Ces fonds sont issus de l’appui budgétaire du FMI. De fin avril à septembre, le BCECO, le PNUD et le CFEF, les trois agences désignées par le gouvernement pour gérer ce programme entendent livrer 1198 nouvelles écoles, 788 centres de santé et 145 bâtiments administratifs devraient être livrés. Cette moisson est attendue avec impatience pour Félix Tshisekedi pour amorcer la dernière ligne droite de sa campagne présidentielle. Il n’en faut pas moins pour hérisser l’opposition politique congolaise qui accuse ouvertement le FMI de soutenir la campagne d’un candidat à la présidentielle.
Pour Félix Tshisekedi, le coût et la méthode importent peu. Personne ne se soucie du coût scandaleux des écoles construites par les prestataires du BCECO. On évoque un montant de 400.000 Usd/unité. Au sein de l’institution dirigée par Jean Mabi, les agents se plaignent en voyant que certains marchés de construction sont accordés à des enfants des ministres congolais dont les sociétés ont été créées pour les besoins du marché. Or, le BCECO est aujourd’hu en dépassement. « S’il faut accorder 60 millions supplémentaires au BCECO pour achever ce programme, il ne faut pas lésiner », affirme un proche du Chef de l’Etat. On est bien loin de l’époque où la Banque Mondiale envoyait son département d’intégrité scruter les agissements du BCECO dirigé à l’époque par l’ancien Premier Ministre Augustin Matata.
Aujourd’hui, les temps ont changé. Même si la justice congolaise est saisie de certains dossiers de détournements, elles est sous pression du pouvoir politique. Le parquet est instruite de couvrir les malversations régulièrement dénoncées. A l’inspectorat judiciaire, là aussi, on ne décolère pas. Tous les agents constatent que les dossiers sont enterrés en haut lieu. Récemment, instruction a été donnée d’étouffer un dossier de 5 millions de dollars payés sur instruction de Jean Mabi à Mme Roselyne Mbombo par l’entreprise qui réhabilite l’hôpital Mama Yemo. Le Parquet et l’IGF ont été saisis. Jean Mabi et la bien nommée n’ont été épargnés que par une intervention venue de très haut lieu. Concussionnaires et prévaricateurs ont décidément la vie belle à Kinshasa.
Dans son rapport, la Cour des Comptes pointe sévèrement du doigt la gestion du Ministre des Finances. Elle stigmatise la systématisation des procédures d’urgence auxquelles fait appel Nicolas Kazadi pour actionner le sous-compte d’appui budgétaire de la Banque Mondiale.
Dans son langage technocratique, la Cour confirme que les pratiques de Nicolas Kazadi ne sont pas conformes « aux règles de gestion des Finances Publiques, (elles) exposent d’une part les entités bénéficiaires au risque d’abus de trésorerie, et d’autre part, le pays aux risques de fraude de corruption et de détournements des deniers publics ». N’ayant obtenu aucune évidence sur la budgétisation de leurs décaissements, la Cour de Comptes fustige également les dépenses effectuées sur le sous-compte.
Pas d'argent pour payer les fonctionnaires
Devant l’inertie du FMI et de la Banque Mondiale, les langues se délient. « Nous attendons la publication du rapport d’audit du BCECO demandé par le FMI », dit un conseiller du ministre du Budget qui ajoute « On y découvrira encore de très nombreuses perles ».
En attendant, la colère grandit au niveau de la célèbre place Golgotha du ministère de la Fonction publique. Les arriérés de salaires des fonctionnaires s’accumulent. Et l’annonce d’un report de la paie faite au cours du dernier Conseil des Ministres du 7 avril 2023 n’arrange pas les choses. Selon des précisions apportées par le ministre des Finances, ces arriérés de salaire représenteraient près de 250 milliards CDF (123 millions USD). Et étrangement, les caisses de Nicolas Kazadi sonnent creux…
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