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Franc congolais : miracle monétaire ou mirage économique ?

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    mutambak96
  • il y a 12 minutes
  • 3 min de lecture
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Depuis le début de l’année 2025, le franc congolais (CDF) s’est apprécié de près de 27 % face au dollar américain, une performance qui le place parmi les trois devises les plus fortes au monde selon Bloomberg. Un exploit monétaire qui, à première vue, témoigne d’une stabilité retrouvée. Pour le Fonds monétaire international (FMI), il s’agit du résultat d’une « activité économique résiliente » et de politiques prudentielles efficaces. Mais à y regarder de plus près, l’embellie monétaire masque une réalité bien plus contrastée.


Le FMI, dans son rapport de mission publié début novembre, salue la chute spectaculaire de l’inflation, passée de 23,8 % en 2023 à 2,5 % en octobre 2025, ainsi que la réduction du déficit budgétaire. Cette stabilisation serait le fruit de mesures strictes de la Banque centrale du Congo (BCC), notamment l’alourdissement des réserves obligatoires sur les dépôts en devises et la baisse du taux directeur de 25 % à 17,5 %. Ces interventions ont raréfié la liquidité en francs, provoquant une hausse mécanique de la monnaie nationale.


Pour le gouvernement congolais, cette revalorisation confirme la crédibilité de sa gestion macroéconomique. Le ministère des Finances, sous la conduite de Doudou Fwamba, souligne les « progrès tangibles » réalisés dans le cadre de la Facilité élargie de crédit (FEC) du FMI, qui devrait déboucher en décembre sur un décaissement de 400 millions de dollars.


Cependant, plusieurs économistes et parlementaires congolais mettent en garde contre une appréciation excessive et non soutenable. Celle-ci ne résulte pas d’un excédent commercial ou d’un afflux d’investissements, mais d’interventions ponctuelles de la BCC. En restreignant l’offre de liquidités et en manipulant le marché des changes, la Banque centrale aurait provoqué un effet de rareté artificielle du franc.


Les effets secondaires se font déjà sentir. Les banques manquent de liquidités en monnaie locale, poussant les clients à transiger en dollars - un paradoxe dans un pays où plus de 90 % des dépôts et des crédits sont déjà dollarisés. À court terme, la valorisation du franc allège le coût des importations et freine l’inflation. Mais à moyen terme, elle risque d’éroder les recettes publiques, largement libellées en devises, et de pénaliser les exportations minières, qui représentent plus de 95 % des revenus extérieurs du pays.


La structure économique de la RDC reste d’ailleurs dangereusement concentrée : une seule province (le Katanga) et un seul produit (le cuivre-cobalt) génèrent l’essentiel de la croissance. Ce déséquilibre rend toute stabilité monétaire fragile. Le contraste est d’autant plus frappant que 27 millions de Congolais vivent aujourd’hui en insécurité alimentaire, selon le Programme alimentaire mondial (PAM), tandis que 5 millions d’enfants souffrent de malnutrition sévère. La croissance reste donc statistique : elle ne profite pas à la majorité.


Sur le plan budgétaire, une monnaie trop forte réduit la valeur en francs des recettes issues des exportations, tandis que les dépenses - notamment militaires et sociales - continuent de croître. Le FMI lui-même reconnaît que les tensions à l’Est et les coûts sécuritaires croissants exercent une pression significative sur les finances publiques. À cela s’ajoutent les risques de désindustrialisation : un franc surévalué renchérit les coûts de production et fragilise la compétitivité locale face aux voisins comme la Zambie ou le Rwanda.


Dans ses recommandations, le FMI appelle à une coordination plus étroite entre politiques monétaire et budgétaire, à une transparence accrue sur les interventions du marché des changes, et à la poursuite des réformes structurelles (compte unique du Trésor, modernisation de la paie publique).


L’enjeu est désormais de savoir si la RDC peut transformer ce succès monétaire en levier durable de développement. Sans diversification économique, sans lutte effective contre la corruption et sans gouvernance crédible, la vigueur du franc congolais risque de rester un mirage de stabilité.


 
 
 

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