Il suffit de lire attentivement le courrier adressé en date du 13 juillet 2024 au Ministre d'Etat chargé des Infrastructures et Travaux publics, par le directeur général de Sicomines S.A., Monsieur Li Sheng, pour constater avec consternation que les bornes du raisonnable ont été largement dépassées.
Depuis l'arrivée de Félix Tshisekedi au pouvoir, il est évident que la corruption, le vol et les détournements ont été élevés au rang de pratiques de gouvernance. L'ampleur de ce phénomène est telle que nos partenaires chinois – habituellement peu enclins à se soucier des normes financières – ont cette fois jugé nécessaire de prendre des mesures de précaution, afin d'éviter toute confusion dans l'esprit des dirigeants à Pékin. Les chefs d'entreprise chinois envoyés en République Démocratique du Congo pour diriger les affaires sont désormais dans l’obligation de justifier les montants colossaux que leurs sociétés dépensent pour alimenter cette vaste corruption qui gangrène le pays. Quelle joyeuse comédie !
L'objet du courrier du patron de la Sino-Congolaise des Mines concerne la comptabilisation de diverses dépenses engagées par son entreprise dans le cadre du projet d'infrastructures. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec ce dossier, le partenariat lancé en 2008 par l’ancien président Joseph Kabila, communément surnommé le "contrat du siècle", visait à permettre à la République Démocratique du Congo de combler son déficit en infrastructures de base – routes, eau et électricité – en échange de la livraison à la Chine de minerais de cuivre d’une valeur de 6 milliards USD. Ce rapprochement a abouti à la création de la Sicomines, une entreprise chinoise dédiée à l’exploitation minière. Ce contexte, chargé d’enjeux cruciaux, rend d’autant plus préoccupantes les interrogations soulevées par la gestion des fonds alloués à ce projet sensé doter la RDCongo d'une plate-forme nationale d'infrastructures modernes.
Pour qui roule le FMI ?
Pour peu qu'on s'intéresse à l'évolution du prix des matières premières, il est difficile de ne pas remarquer l'incroyable flambée de leurs cours, notamment du cuivre, dont le prix a plus que triplé depuis la signature du fameux contrat. Passant de 2 500 USD à près de 8 500 USD la tonne, cette hausse fulgurante a offert à l'entreprise des bénéfices de vente exceptionnels. À son arrivée au pouvoir, Félix Tshisekedi a été promptement incité par les bailleurs de fonds, notamment le Fonds Monétaire International, à envisager une révision du contrat chinois pour en réévaluer les conditions. Dans le même temps, la question des réserves de cuivre a émergé comme un enjeu clé, suscitant des discussions qui se sont, curieusement, closes dans les salons feutrés de l'ambassadeur de Chine.
Caser Antony Tshisekedi sur le dos du peuple congolais
En toute discrétion, le Chef de l'État congolais a fait le déplacement de la Cité de l'Union Africaine à l'avenir Roi Baudouin pour négocier en tête-à-tête, loin des oreilles indiscrètes, les termes de la revalorisation du contrat. Ce déplacement a également donné lieu à des discussions sur le montant à déposer sur son compte personnel en Chine. C'est presque sordide d'imaginer que parmi ces négociations, la préservation des intérêts du clan familial ait pu jouer un rôle ; en témoigne la nomination de son fils, Antony Tshisekedi, au Conseil d'Administration de Sicomines. Cette manœuvre soulève des questions légitimes sur la transparence et l'intégrité de ces modalités, ainsi que sur la rigueur avec laquelle les ressources du pays sont gérées au profit d’intérêts familiaux. On ne se refait pas. "Peut-on vraiment s'attendre à autre chose d'un délinquant qui squattait les bars et boîtes de nuit en Belgique depuis son adolescence que ce qui se passe en matière de corruption et de détournements ?" fait mine de s’interroger un Congolais de la diaspora à Bruxelles.
Fort de cet accord, le Directeur de cabinet du Président de la République, de nationalité belge (!) - devenu récemment ministre d'Etat chargé du Plan - , M. Guislain Nyembo, a institué une commission interinstitutionnelle chargée d'analyser et de renégocier la convention d'entreprise entre la RDCongo et le Groupement d'entreprises chinoises et procédé à la désignation de ses membres. Les travaux de cette commission ont démarré le 24 juin 2023. Une véritable aubaine pour les experts des ministères et des services qui ont été désignés pour gérer les intérêts de la République face aux partenaires chinois. Si le ministère du Plan a été exclu du festin, l’on retrouve dans ce comité des représentants de l’Agence Nationale de Renseignements (ANR), de la Régie des Voies Aériennes (RVA), de l'Initiative pour la Transparence dans le Secteur Extractif (ITIE), et même un délégué de la Société Civile congolaise. Une manière sans doute de couvrir ce processus d'une apparence de légitimité et de transparence, question de se donner bonne conscience dans ce contexte délicat. Il est à se demander si cette composition a été réellement garante des intérêts du pays ou si elle n'a servi qu'à masquer des intentions beaucoup moins avouables.
Des jetons en or
En date du 2 février 2024, l'Inspecteur Général des Finances, Jules Alengeti, a adressé trois lettres au patron de la Sicomines pour exiger le paiement des jetons de présence des membres de la commission, s'élevant à un montant faramineux de 22.500.000 USD. Dans son courrier, M. Li Sheng confirme que le paiement a bien été exécuté le 8 février 2024. Ainsi, les représentants des 26 ministères et services impliqués dans cette affaire, soit environ une cinquantaine de personnes, ont chacun perçu la coquette somme de 450.000 USD pour leur prestation. Une véritable bagatelle !
Lorsque la corruption prend l’apparence d’une opération légitimée par la bonne conscience, les acteurs établissent des listes et se regroupent tels des prédateurs en chasse. Pourtant, en approfondissant les investigations, l'un des membres de la commission a avoué qu'il n'avait pas touché un tel montant. Sous le sceau de l'anonymat, ce délégué a confié : "Guislain Nyembo a pris avec André Wameso (Un autre Belge, NdlR) la plus grande partie de cette enveloppe."
Il faut reconnaître que le coup du Directeur de Cabinet de Félix Tshisekedi est si bien monté qu'il finit par inspirer une forme de triste admiration même chez ceux qui aspirent à l'honnêteté. Au fond, ces jetons de présence révèlent les dérives d’un système où l’illégalité est camouflée sous un masque de légitimité, laissant les véritables enjeux du pays en arrière-plan.
Dans sa lettre qui prend les allures de révélations accablantes, le patron de Sicomines confirme que le 14 mars, le gouvernement et le groupement d'entreprises chinoises ont signé un avenant et conclu le dossier. Et là encore, par ses lettres du 11 et 15 mars, Jules Alingete, l'Inspecteur Général des Finances - Chef du service, a demandé à Sicomines de payer les jetons de présence aux réunions "pour toute la durée de renégociation" et le bonus de signature de l'avenant n°05 pour un montant de 5.950.000 USD. Le 18 mars, l'entreprise chinoise effectuait le virement des fonds.
Ainsi, c'est un montant total de 28.450.000 USD qui a été versé au titre des jetons de présence aux membres de la Commission. Ce chiffre est tout simplement scandaleux, tant par son ampleur que par la manière dont les travaux ont été menés. Des experts avisés ne peuvent que constater que cette prétendue révision n'a en réalité produit aucun effet tangible, si ce n'est l'enrichissement personnel d'une poignée d'individus. Un simple calcul relatif à la valorisation de la tonne de cuivre révèle clairement que la partie chinoise aurait dû augmenter considérablement le montant alloué à la livraison des infrastructures. En effet, au cours des 15 prochaines années, un montant annuel d'environ 350 millions USD devrait être dédié à la construction des routes et à l'aménagement des infrastructures de base en République Démocratique du Congo.
Les Congolais complètement grugés
Il est désolant de constater que, malgré ce potentiel de financement, les bénéfices ne semblent profiter qu’à quelques individus, tandis que les véritables besoins du pays demeurent largement insatisfaits. Cette situation soulève des questions cruciales sur la transparence et la responsabilité dans la gestion des ressources, et met en lumière l’urgence d’un changement de cap pour que les engagements pris se traduisent enfin par des réalisations concrètes au bénéfice de la population congolaise.
Ce qui choque profondément les observateurs, c'est la négociation cynique menée par les responsables congolais, qui ont eu l'audace d'accepter que les fonds issus de leur forfaiture soient classés comme des dépenses d'investissement, sous prétexte de déduire les infrastructures tant attendues par le peuple congolais. Une véritable outrage ! La décence a été jetée aux orties, et l'immoralité s'ajoute à l'ignominie. C'est sans la moindre gêne que la délégation congolaise s'est rendue à Pékin au sommet Chine-Afrique pour y parader devant les autorités chinoise goguenardes.
S'il faut revenir à la révision du contrat chinois dont s'enorgueillit Félix Tshisekedi et ses lieutenants, elle a servir de couverture à des transactions financières, qui ne sont rien d'autre qu'un vol flagrant de l'argent de la communauté sous le regard complice des bailleurs de fonds - FMI en tête - dont la mission, ironie du sort, est censée garantir l'orthodoxie financière au Congo. Leur résignation, frisant la complicité, est tout simplement révoltante ! D’un bout à l’autre de la planète, de Washington à Pékin, les flux d’argent de la corruption s'écoulent à flots, avec une impunité qui fait froid dans le dos. Pendant ce temps, dans les bureaux des Institutions de Bretton Woods, l'eau grise des renoncements commence à s'infiltrer, comme si la priorité était de garantir l'approvisionnement des États membres de leur conseil d'administration en minerais stratégiques congolais plutôt que de traiter des affaires de corruption roublardes.
Aujourd'hui, il est de plus en plus reconnu que les fonctionnaires du FMI, qui hantent à Kinshasa les couloirs des ministères des Finances et de la Banque Centrale, sont les plus compromis dans cette débâcle nationale. La messe semble bel et bien dite, et il est temps de se demander où va réellement l'avenir du Congo face à cette marée de corruption et de lâcheté.
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