Le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a donné sa vérité à RFI et France 24 lors de son interview depuis New York, en marge de l’Assemblée générale des Nations Unies. Le président est confiant pour 2023 grâce à son... bilan !
Pour le chef de l’État déjà en campagne pour la prochaine échéance présidentielle qui se tiendra en 2023 (Tshisekedi n’a pas de doute là-dessus puisque c’est « le meilleur candidat possible », Denis Kadima, qui le dit. Un président de la CENI qu’il « rencontre souvent, enfin quelques fois »).
Et quand on évoque avec lui les doutes exprimés dans un rapport du PNUD sur l’organisation des élections dans les temps, le président se fait martial, presque menaçant. « Le PNUD n’a jamais émis d’avis pessimiste », explique-t-il après avoir expliqué qu’il s’est entretenu avec des responsables du PNUD mais qu’il n’a pas lu le « fameux » rapport. Selon Tshisekedi, ce seraient «des forces obscures qui ne veulent pas des élections » qui manipuleraient le contenu du « rapport du PNUD ».
Que dit précisément le rapport terminé en juin 2022 ? « Dans ce contexte, et au vu du temps encore disponible d’ici à fin 2023, un glissement du calendrier électoral de plusieurs mois pour des raisons techniques est un scénario désormais probable. En effet, en se basant sur les expériences des cycles électoraux passés et en ne prenant en compte que la durée moyenne des opérations strictement nécessaires, de l’ouverture de l’enregistrement des électeurs jusqu’au au jour du scrutin, il faudra environ 640 jours (21,3 mois) à la CENI pour organiser les élections à partir de la promulgation de la nouvelle loi électorale. Aussi, les élections directes ne pourraient donc se tenir qu’au mieux durant le premier semestre 2024 et ce à condition que tout se passe sans difficulté d’ici-là. Or les joutes et tensions politiques actuelles, particulièrement autour d’une majorité présidentielle caractérisée par sa volatilité, laissent apparaître au sein de l’opposition une frange importante d’acteurs politiques hostiles à tout glissement. Cela pourrait préfigurer une crise politique majeure à travers le pays ».
Voilà pou le contenu du rapport du PNUD.
Tshisekedi est « con - fi - ant »
Mais Tshisekedi n’en a cure. Il est « confiant ». C’est "l’opposition qui a peur". Lui, il a un bilan, explique-t-il sans rire.
Quel bilan ? La gratuité scolaire ! Une réussite absolue qui a consisté sans engager de professeurs, sans construire de nouvelles écoles, sans augmenter les budgets, à remplir encore un peu plus les salles de classe et à démobiliser un peu plus les enseignants et, aujourd’hui, à désespérer les parents.
Autre réussite de l’ère Tshisekedi ? La gratuité de la santé ou presque, le projet est loin d’être finalisé. C’est comme « le projet génial des 145 territoires », dixit le président, que le monde entier lui enviera… un jour.
Et ensuite, en près de quatre ans de mandat quel est ce fameux bilan ? Rien. Le vide. Le néant. Sauf pour son enrichissement personnel. Le couple qui vivait de l’aide sociale en Belgique roule désormais sur l’or… massif. Comme sa cour rentrée avec lui au pays bardée de mandats d’arrêts et de séjours carcéraux. Les Bruxellois et les Parisiens ont tous décroché le pactole qu’ils sont vite allés planquer sous d’autres cieux. De l’argent gagné par des combines et le bradage des biens du pays comme le montrent les enregistrements de Vidiye Tshimanga publiés par le journal suisse Le Temps.
Le conseiller a démissionné. Il a passé quatre jours en détention provisoire avant d’être remis en liberté... provisoire. Mais sur ce dossier, le président ne s’exprime pas.
Sa cour non plus d’ailleurs. Pas un bruit. Surtout ne pas prendre le risque de se faire remarquer sous peine de suivre le même itinéraire que Kabund. Ne pas s’opposer à cette clique, jamais, sous peine de se retrouver six mois dans les bras de l’ANR comme Beya. Ne pas oser s’interroger sur le manque de moyens envoyés aux militaires sur le front de l’est, sous peine de se retrouver accuser de trahison comme le général Philémon Yav.
Toute cette mafia au pouvoir s’est donné le mot. « Il faut soutenir Fatshi béton » coûte que coûte pour continuer à piller sans honte le pays sur le dos d’une population de plus en plus affamée et humiliée.
« Plus le temps passe, moins il accepte les remarques. Plus personne n’ose faire de critiques », explique un habitué de la première heure du camp Tshisekedi. « La peur s’est vraiment installée. Tout le monde est prêt à trahir tout le monde. La sortie du dossier Tshimanga a encore renforcé ce sentiment. Tout le monde a son idée sur celui qui a investi pour faire tomber l’ami du président. Befor ? Dan Gertler ? Un frère Tshisekedi ? » Tous les scénarios circulent.
Esseulé
Malgré les centaines de millions qu’il a détournés, malgré son assurance de façade, la confiance de Fatshi s’érode. « Le béton est percé », ironise un ex-UDPS. « Il ne reste plus que le fer à béton. Plus un gramme de ciment. Pas un gravier. Fatshi s’est enrichi honteusement, il en a fait profiter une petite clique autour de lui mais tous ces vautours, ces prédateurs, ne lui rapportent pas une voix dans la perspective des élections à venir ».
Tshimanga, Budimbu peuvent créer leur parti, ils n’ont ni légitimité, ni crédibilité.
Reste alors les poids lourds d’hier que Tshisekedi a conservé ou amener à lui.
Vital Kamerhe devait faire le plein de voix dans les Kivus. Sa tournée actuelle montre que les Kivutiens ne sont pas dupes. Le safari de VK tourne au KO. « Il ne rapporte rien et VK a compris qu’il n’avait définitivement plus rien à gagner à rester avec Tshisekedi. On connaît le talent du Monsieur pour jouer les Kamérhéon. Bemba à l’ouest ? Même constat, ou presque. L’Equateur refuse à s’enflammer pour Tshisekedi ».
Reste l’UDPS, sauf qu’ici aussi la mauvaise humeur est de mise. Les fidèles du parti ne recueillent que quelques miettes mais voient passer les millions au-dessus de leur tête et s’envoler des décennies de combat politique au nom du père.
Fatshi ou rien
Fatshi, esseulé, a peur. Ce qui explique son besoin d’être flatté en permanence. Regardez. Ecoutez les commentaires de son premier ministre et de la plupart des ministres après l’intervention présidentielle à l’Onu ou lors de son interview. Comme un vieux dictateur sur le retour, l’homme a besoin d’être constamment brossé dans le sens du poil. Les ministres l’ont bien compris. Pour durer, pour continuer de taper dans la caisse, il faut flatter. Ils ont aussi compris que désormais, sauf gigantesque tricherie, ils ne seront plus jamais élus. Les Congolais ont vu leur vrai visage. Ces ministres engraissés sur le dos de la population savent que, pour eux, c’est Fatshi ou rien.
Bunagana est toujours entre les mains du M23
Et que dire de la situation sécuritaire. Bunagana est occupé depuis plus de 100 jours. «J’ai tenu un message de vérité devant les Nations Unies », a martelé Tshisekedi, fier de lui, en répétant sans sembler les comprendre, les mots de ses agences de communication payées à prix d’or.
Aujourd’hui, c’est l’ouest qui s’embrase. Le Mai-Ndombe à 200 kilomètres de Kinshasa. Mais le gouvernement ne réagit pas. Les morts s’accumulent. La tension monte. Le pays devient une vraie poudrière mais Tshisekedi prend son temps à New York et à Bruxelles. Le sort de son pays et de son peuple ne le concerne pas. Lui, il a son bilan, il est confiant, il a placé ses pions à la Ceni et à la Cour constitutionnelle. Lui, il attend son deuxième mandat.
Bernard Mulumba
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