"Le compte personnel de Mme Kazadi affiche plus de 300 millions USD" affirme un banquier bien connu de Kinshasa. La fortune du ministre des Finances s'élève aujourd'hui en centaines de millions de dollars.
En quelques mois, l'homme a acquis un impressionnant patrimoine immobilier au coeur de la capitale congolaise. On le dit également propriétaire d'un domaine en Afrique du Sud. Au pays de Nelson Mandela, le grand argentier congolais compte des amis important parmi lesquels le trésorier de l'ANC avec qui il a bouclé un montage financier de près de 1,3 milliard de dollars sur lesquels les commissions ont été particulièrement juteuses.
Evoquant le système des commissions, la technique de l'ancien haut fonctionnaire des Nations Unies est loin d'être sophistiquée.
Sur le remboursement de la dette intérieure, le gestionnaire des comptes de l'Etat négocie une décote de 60% sur les fonds payés aux opérateurs économiques et aux créanciers de l'Etat. Soucieux des apparences, Nicolas Kazadi prend soin que les dettes du Trésor soient certifiées avant d'engager la négociation. Au grand dam des cadres de la DGDP, la direction générale de la dette publique, et de leur ancien patron, Laurent Batumona, les dossiers déposés par cette direction sont systématiquement relégués au fond de la pile au profit des amis du ministre et des membres de sa famille. C'est le coeur amer que Laurent Batumona a remis le tablier. "Aucun des dossiers de Batumona n'est passé", avoue un de ses collaborateurs qui explique que la colère est palpable au sein de la DGDP. "En recourant à la Sofibanque, une banque libanaise, peu regardante sur les méthodes, le ministre empoche directement la décote. En une année, il a payé rubis sur ongle 900 millions USD qui ont transité par la banque d'Abdallah Wazny, le beau-fils de Jean-Pierre Bemba", affirme un jeune cadre du milieu bancaire.
Un demi-milliard de dollars dans les poches de Kazadi et Tshisekedi
Après enquête, la loi du silence est rapidement brisée. Les autres banques refusent d'entrer dans ce qu'elles considèrent comme une combine couverte par le régime. En une seule année, par la voie du remboursement de la dette intérieure, ce sont plus de 500 millions USD qui sont entrés dans l'escarcelle de Nicolas Kazadi et du président Félix Tshisekedi qui couvre les opérations de son argentier.
"Lors des conseils des ministres, les dossiers de Nicolas Kazadi sont traités en priorité", affirme un ministre sortant. "Le Premier Ministre Sama Lukonde symbolise l'inutilité. Il sert d'ornement au Chef de l'Etat et à Nicolas Kazadi", poursuit l'homme d'Etat.
La dette congolaise a doublé
La dette congolaise constitue une véritable poire pour la soif du ministre des Finances. En cinq années, la dette congolaise a doublé. En 2018, Félix Tshisekedi trouve une dette de 5,148 milliards USD. En juin 2023, la dette publique s'élève à 9,759 milliards USD soit près du double.
Un rapide examen de cette dette permet de constater que la dette intérieure s'élève aujourd'hui 3,934 milliards USD. Au cas où le régime Tshisekedi devait se succéder à lui-même, les beaux jours des détourneurs sont à venir. Le régime s'est endetté à une moyenne de 1 milliard USD/an. A l'heure actuelle, un stock de 3 milliards USD est en cours de certification. Dès la fin de l'opération, la dette congolaise aura atteint à la fin de cette année près de 13 milliards USD. Au regard des ratios des bailleurs de fonds qui estiment que la dette des pays pauvres ne peut excéder 30% de leur PIB, la marge d'endettement de la RDCongo devient de plus en plus faible. Elle avoisine 10% du PIB.
Un ministre hors-la-loi
Dans un autre registre - et en matière de détournements des finances publiques ils sont nombreux - Nicolas Kazadi se distingue dans le nombre record de marchés de gré à gré, des exonérations abusives et des dépenses effectuées en mode d'urgence.
Le ministre Kazadi s'est totalement délié de la loi sur les marchés publics. Les fonctionnaires de l'ARMP n'ont d'autorité sur les marchés que le nom. Tout est négocié de gré à gré. Le dossier de la cité financière en est la meilleure illustration. Dans la plus totale opacité, le marché alloué à l'entreprise turque MILVEST totalise plus de 500 millions de dollars négociés entre Nicolas Kazadi et Turhan Mildon, le président du conseil d'administration de Milvest holding. L’entreprise turque a annoncer vouloir investir 1,2 milliard d’USD dans la construction de l’aéroport international de Ndjili pour 29 ans de concession. La société va gérer pendant 49 ans, l’hôtel 5 étoiles de 19 niveaux avec 240 chambres au centre financier et le nouvel aéroport international de Ndjili durant 29 ans.
Les amis bruxellois de la famille Tshisekedi
Pour la petite histoire, c'est un sujet belge d'origine turque, Sever Lokman, propriétaire à Matonge d'une agence de voyage ayant l'habitude de donner à crédit des billets d'avion à Félix et à ses frères à l'époque de leur galère bruxelloise, qui a joué un rôle important dans le partenariat turc. "Ce dossier est flou. Au départ, il s'agissait d'un pré-financement turque, ensuite on a constaté que le ministre des Finances recourait à l'endettement auprès des banques privées pour régler la facture du prestataire", affirme un Inspecteur des Finances. La facture initiale de 300 millions USD est passée à 500 millions sous couvert de construire au sein de ce complexe un hôtel qui sera géré pendant 40 ans par la partie turque. Les marchés de gré à gré font le bonheur des sociétés étrangères qui surfacturent leurs prestations. Le ministre des Finances trône sur un réseau mafieux.
Le rôle central du BCECO
Dans l'écosystème de Nicolas Kazadi, le Bureau Central de Coordination des Projets, BCECO, constitue la pièce maîtresse de la gestion des dossiers. A l'époque de l'ancien président Kabila, Augustin Matata Ponyo a mis en place les structures de l'agence qui regroupe des experts et des ingénieurs hors pairs. En quelques mois, l'agence est devenue le principal maître d'oeuvre de l'ambitieux programme des cinq chantiers initiés par Joseph Kabila. Pour la loyauté et les services rendus à l'ancien Chef de l'Etat, Augustin Matata Ponyo atteindra les cimes du pouvoir en occupant d'abord le poste de ministre des Finances et ensuite celui de Premier Ministre. Pendant toutes ses années au pouvoir, Matata Ponyo gardera la mainmise sur l'agence.
Conscient de l'importance du BCECO dans son dispositif de prédation, Nicolas Kazadi va s'appuyer sur son ami d'enfance Jean Mabi à qui il confie la charge de gérer les ressources allouées à l'agence. En dehors des règles de passation de marchés, le BCECO va gérer en quelques mois plus d'un milliard USD. Parmi les dossiers les plus flous, la réhabilitation du palais présidentiel du Mont Ngaliema. Déterminé à s'offrir un palais digne des contes des mille et une nuit, le couple présidentiel ne va pas lésiner sur la facture. Les résidences présidentielles, les salles de réunions, les jacuzzi, cuisines, jardins et autres installations de luxe vont engloutir 180 millions USD. Rien n'est trop beau pour Félix et Denise. Pour répondre aux exigences de la Première Dame, le marbre est importé d'Italie par avion afin d'honorer les délais de livraison du Palais. Ubuesque dans le pays le plus pauvre du monde. Derrière cette gabegie financière, Jean Mabi et son mentor Nicolas Kazadi veillent au grain. Les surfacturations de l'ameublement et de la décoration sont monnaies courantes.
La complaisance du FMI
Décote de la dette, marchés de gré à gré, surfacturations, détournements des deniers publics, n'ont à ce jour pas éveillé l'attention du Fonds Monétaire International qui couvre d'un manteau d'honorabilité la gestion de Nicolas Kazadi. Cette complaisance conduit les observateurs à soupçonner des connivences entre la direction du FMI et le grand argentier congolais. On pourrait croire que rien ni personne ne s'oppose à Nicolas Kazadi. Il n'en est rien. Bilomba et l'Inspecteur général des Finances ont bataillé pour le retour de l'orthodoxie financière. Mal en prit au premier qui s'est vu débarqué de la Présidence de la République, quant au second, il a capitulé en trouvant avec le ministre des Finances un compromis dans la gestion de plusieurs dossiers, notamment la rétrocession des 10% aux services mobilisateurs des recettes dont l'IGF fait partie. Le montant rétribué à l'Inspection Générale des Finances constitue une somme rondelette dans l'escarcelle de Jules Alingete.
Direction Dubaï et Abu Dhabi
En tout puissant nabab, Nicolas Kazadi n'a pas attendu la fin de son mandat pour s'offrir un patrimoine immobilier et des participations dans des grandes entreprises privées prestant pour le gouvernement. Il s'agit entre autres de Congo Motors qui livrent des centaine de véhicules aux officiels. Après avoir acquis à 1.250.000 une île sur le fleuve Congo pour y aménager un hôtel 5 étoiles, Nicolas Kazadi aurait également acquis Tractafric et le site Socimat. Il y a fort à parier que la déclaration des biens du ministre introduite au Conseil Constitutionnel lors de son entrée en fonction n'aura rien à voir avec celle qu'il présentera après la remise-reprise avec son successeur.
Entretemps, la fortune du tandem Tshisekedi-Kazadi est placée au Moyen Orient. Après que les banques belges Fortis, ING, Belfius aient fermé les comptes de la famille Tshisekedi logés à Bruxelles, les deux hommes ont orienté les transferts en direction de Dubaï et d'Abu Dhabi. La formalisation de cette nouvelle route de l'évasion du cash congolais a été consacrée par la joint venture Primera gold. L'exportation de l'or sert de couverture à l'évasion de centaines de millions de dollars.
Ils sabotent le scrutin par cupidité
Pour protéger son patrimoine, Nicolas Kazadi dispose du soutien et de la complicité de Félix Tshisekedi. C'est la raison pour laquelle le ministre des Finances a tout simplement détourné près de 239 millions USD du programme de PDL-145 en dédaignant de décaisser les fonds prévus pour la réhabilitation des routes de desserte agricole. Or, à ce niveau, le président-sortant risque de payer le prix cher de la négligence de son financier. En cinq années, rares, très rares sont les routes réhabilitées. Un autre dossier fragilise Nicolas Kazadi aux yeux des millions de Congolais. Il s'agit des ressources à allouer à la CENI pour l'organisation des élections du 20 décembre prochain. Le Ministre des Finances et le président de la CENI, Denis Kadima, entretiennent des relations tendues. Le premier accusant le second d'entretenir une opacité sur les commandes de la CENI et ses dépenses qui totalisent plus d'un milliard USD en deux années. Au pays des aveugles, les borgnes sont rois.
C'est donc en milliardaire que Nicolas Kazadi termine le premier mandat de Félix Tshisekedi. Jamais le taux de change ne s'est détérioré aussi vite au cours des 10 dernières années. Le prix de sa fortune et celle de Félix et Denise Tshisekedi est payé sur le dos de 105 millions de Congolais qui assistent à l'éclosion de la nouvelle classe de milliardaires promises par le Chef de l'Etat congolais... Il ne parlait pas des entrepreneurs, des opérateurs économiques et des hommes d'affaires mais bien de ses proches, amis et frères qui dansent aujourd'hui autour du veau d'or.
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