Dans quelques heures, Félix Tshisekedi se prépare à l’inauguration de l’Assemblée Provinciale du Lualaba et du barrage de Busanga à 110 kilomètres de Kolwezi. La capitale mondiale du cobalt et la sémillante gouverneure de la province, la très distinguée et sémillante Fifi Masuka, préparent leurs plus beaux atours pour accueillir le plus célèbre soixantenaire du Congo.
S’il n’est probablement pas un adepte de l’ornithologie et de la vie des oiseaux, Félix Tshisekedi épouse à la perfection certaines lois de la nature, dont les pratiques très particulières du cunulus canorus, plus communément appelé le Coucou gris, qui pond dans le nid d’un autre un œuf dont la coquille prend l’apparence et la taille de ceux déjà présents dans le nid. Les ornithologues ont même relevé qu’une fois le jeune coucou sorti de son œuf, il vide le nid de ses autres œufs et même des oisillons déjà présents et se fait réchauffer par ses oiseaux nourriciers. Comme il en va du coucou gris, ainsi procède Félix Tshisekedi en s’attribuant les réalisations d’un autre et en éliminant sans vergogne sa progéniture.
« Tout le monde sait à Kolwezi que le siège de l’Assemblée Provinciale a été construit par l’ancien gouverneur Richard Mujez. C’est vraiment triste qu’un Chef de l’Etat et sa gouverneure viennent parader et inaugurer ce qu’un autre a réalisé », déclare un enseignant qui s’étonne qu’un Chef d’Etat se déplace de Kinshasa pour inaugurer le siège d’un Assemblée Provinciale. Dans la capitale du Lualaba, la présence de Félix Tshisekedi suscite des réactions très contrastée. La fierté de la population de voir la province se transformer se dispute avec la colère de voir que tout ce qui est inauguré a été mis réalisés l’ancien régime. Ceux qui ont réalisé ces ouvrages sont aujourd’hui fustigés, accusés voire rangés parmi les parias de la République. De surcroît deux Katangais. Il s’agit de Joseph Kabila, l’ancien gouverneur, et de Richard Mujez, l’ancien gouverneur du Lualaba.
Une provocation de la part de Tshisekedi
Dans la capitale et le long des tronçons que le Président congolais doit parcourir, le déploiement de la Garde République est également l’objet de raillerie. A Kolwezi, il se dit que les éléments de cette unité d’élite ont été en réalité recrutés parmi les rebelles de Kamwina Nsapu qui avaient récemment mis le Kasaï à feu et à sang. La population murmure. « Au lieu de recruter des mercenaires, Félix Tshisekedi ferait mieux d’envoyer à Goma tous ces jeunes gens qui viennent nous intimider chez nous », entend-on sur les terrasses. L’ambiance est morose.
« L’arrivée du Président Tshisekedi à Kolwezi est une provocation. On espère que le Chef de l’Etat invitera le Président Joseph Kabila pour inaugurer l’ouvrage qu’il a réalisé», dit un fonctionnaire de l’administration du territoire qui vit à Kolwezi. « Ici, personne n’est dupe. Tout le monde sait que le barrage est l’œuvre de Joseph Kabila », ajoute un habitant de Kolwezi.
Jusque-là le Grand Katanga comptait 4 barrages alimentant l’industrie minière. Il s’agit de Nseke, Nzilo, Mwadingusha et Koni. Nseke, construit en 1957 avait une capacité de 260 MW, réduite à 195 MW, Nzilo, construit en 1952 une capacité de 100 MW réduite à 75 MW, Mwadingusha, construit en 1930 une capacité de 71 MW réduite à 21 MW et Koni, construit en 1955, une capacité de 42 MW réduite à 14 MW. Le dernier, Busanga, arrivé est donc l’œuvre de l’administration Kabila.
Pour le petite histoire, en 2008, l’ancien président Joseph Kabila avait essuyé un refus poli des partenaires occidentaux d’accepter la formule qu’il leur proposait de livrer à la RDCongo des infrastructures en échange de concessions minières. La Chine avait relevé le pari. En mars 2010, les parties congolaises et chinoises signaient un protocole d’accord relatif à la construction du barrage. En 2015, après avoir examiné le rapport de l’étude de faisabilité, les experts congolais émettaient leur approbation. En 2016, l’agence congolaise délivrait le certificat environnemental.
L’accord de construction de ce barrage d’une capacité de 240 MW signé en juin 2016 à Kinshasa atteignait un montant de 660 millions USD. Confiés à un consortium chinois composé de China Railway Resources Group, CRR, et PowerChine Resources Limited, PCR, les travaux démarraient au second semestre de 2016. Le bureau de coordination de la coopération sino-congolaise dirigé à l’époque par Moïse Ekanga avait programmé des travaux d’une durée de 5 années.
Aujourd’hui, l’électricité produite à Busanga est affectée en priorité à la Sicomines, la société sino-congolaise des mines, pour 170 MW et 70 MW pour la ville de Kolwezi à travers le réseau national géré par la SNEL.
Un calcul politique « La livraison de l’ouvrage a tardé du fait des calculs politiques. Félix Tshisekedi veut s’arroger la paternité du barrage à la veille des prochaines élections présidentielles. Pour gagner du temps, il a simplement prétexté vouloir voir clair dans le financement du barrage », affirme un ingénieur congolais qui ajoute que « Depuis que Anthony Tshisekedi, le fils du Président, a intégré le conseil d’administration de la Sicomines, toutes les réserves ont été miraculeusement levées ».
Avec le barrage de Busanga, la province du Lualaba a résolu le problème de fourniture en électricité. Au terme des accords négociés par le président Kabila, en 2016, la Sicohydro SA fait de la Sicomines, du Groupe Gécamines, de Congo Management et de la SNEL, les coactionnaires dans l’exploitation du barrage pour 30 ans.
A titre de comparaison, la part mise à la disposition du réseau de la SNEL par Busanga est plus importante que la capacité du production du barrage de Katande (64 MW) et de Kakobola (10 MW) dans le Kwilu. Là aussi, à Kikwit, appliquant à la perfection la stratégie de l’oiseau chanteur, Félix Tshisekedi devrait procéder en août prochain à l’inauguration de l’ouverture de la ligne initiée par son prédécesseur dans la capitale économique du Kwilu. Et là aussi, de son arbre perché, le cuculus canorus sifflera le chant du souvenir.
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