
Après des semaines de palabres pour composer le ticket de la majorité destinée à diriger l'Assemblée nationale, c'est finalement un spectacle digne des jours de marché qui s'est déroulé. Malgré l'écrasante majorité des troupes fidèles à Félix Tshisekedi à la chambre basse, on a joué à calmer les ardeurs de chacun comme s'il s'agissait d'apaiser des enfants surexcités devant un rayon de bonbons.
Le veto de Marthe Tshisekedi
Dans les coulisses de l'UDPS et du clan familial, les débats se sont enflammés contre la nomination de Vital Kamerhe à la tête de l'Assemblée. Marthe Tshisekedi, la mère du Chef de l'Etat, qui se prend pour une sorte d'Anne d'Autriche contrôlant son fils dont les apparences de bonhommie et le ton patelin ne trompent personne, a bruyamment rejeté l'idée de laisser Kamerhe prendre les rênes du parlement. Cette doyenne du pouvoir kasaïen se souvient encore de la trahison de Vital Kamerhe lorsqu'il avait osé se présenter contre Etienne Tshisekedi en 2011, ruinant ainsi toute chance de voir l'opposition détrôner Joseph Kabila. Marthe Tshisekedi connaît bien la capacité de Kamerhe à changer de couleur politique plus vite qu'un caméléon survit à une attaque de fauves. De là le fameux surnom de Kamerhéon !
Kamerhe tente de rassurer
Du côté de Kamerhe, face à cette hostilité maternelle et à celle de la Première Dame Denise Nyakeru, c'est la servilité qui prime. "Nous avons été choqués par l'accueil réservé à Vital par la diaspora congolaise en France. Nous avons donc décidé de donner au Président des assurances sur notre soutien à la révision constitutionnelle pour un troisième mandat. Après l'Assemblée Nationale, nous visons la Primature", déclare un confident de Kamerhe sous le sceau du secret. Des promesses en l'air, comme on dit, mais tout le monde s'accorde à dire que l'alliance Félix-Vital risque de faire des étincelles dignes d'un mauvais feu d'artifice.
La gestion catastrophique de Mboso
Une autre négociation s'est déroulée pour gérer le cas du président sortant, Christophe Mboso. L'octogénaire du Kwango, soutenu par Marthe Tshisekedi et le clan présidentiel pour prolonger son règne à la tête de l'Assemblée, doit faire face à une levée de boucliers populaire. Un rapport d'une organisation de la société civile expose ses gestions calamiteuses qui semblent tout droit sorties d'un sketch de comédie tant la conduite des affaires de l'Assemblée a été scandaleusement catastrophique.
"L'inefficacité du contrôle des finances publiques est flagrante. Les membres des partis politiques au Parlement sont plus préoccupés par s'en mettre plein les poches que par le bien-être du pays", affirme le Centre de Recherche en Finances Publiques et Développement Local (CREFDL). Les enquêteurs ont trouvé que Mboso et son équipe ont dépensé des sommes astronomiques pour des véhicules et des projets fantômes, un véritable festival du gaspillage.
Après l'examen de 500 pièces et documents budgétaires ainsi que l'interview d'une centaine d'acteurs, les trois courageux signataires de ce rapport explosif - Valery Madianga, Paulin Kibendelwa et Christelle Nsimba - établissent que "Entre 2021 à 2023, font apparaître des faits suivants : Une institution budgétivore : le Parlement a dépensé 1,1 milliard de dollars américains (3,31% du budget de l'Etat), dont 60% ont été utilisés par l’Assemblée Nationale et 40% par le Sénat. Ce montant correspond aux besoins actuels exprimés par le secteur du développement rural pour réhabiliter 40.000 Km de route de desserte agricole et désengorger les territoires avec les chefs- lieux des provinces de la RDC...".
Le Centre CREFDL enfonce le clou en affirmant que "301,3 millions USD ont été utilisés au mépris des règles légales et réglementaires de la comptabilité publique. Aucun rapport explicatif des dépassements n'a été élaboré ce qui soulève des doutes sur la crédibilité des dépenses". Il est établi que Christophe Mboso et son bureau ont dépensé 90 millions USD pour acheter 24 véhicules contre le plafond autorisé de 4,5 millions USD, enregistrant un dépassement de 1 999,85%. A cela s’ajoute, la dilapidation des fonds affectés au projet de construction des bureaux des commissions parlementaires, du dispensaire du Parlement et du dépôt des archives. Pour couronner le tout, les enquêteurs relèvent l'absence d'avis de non objection et violation des règles de base des procédures de transparence de passation des marchés publics.
Face à ces révélations embarrassantes, Mboso a rapidement rangé ses ambitions pour se contenter d'un poste de deuxième Vice-Président au sein du nouveau Bureau. Un choix peu glorieux, mais dicté par l'instinct de survie. Mboso veillera désormais à ce que personne ne regarde de trop près ses activités passées, nous dit un confident de Kamerhe qui se réjouit de l'opportune publication du rapport du CREFDL.
Lots de consolation pour Bemba et Bahati
Enfin, dans ce jeu d'ambitions, Félix Tshisekedi a jonglé avec les appétits de ses autres alliés. Faute d'institutions, Modeste Bahati a réussi à caser son fils comme questeur de l'Assemblée. Un juteux poste familial. Quant à Jean-Pierre Bemba, il a obtenu une place pour sa sœur dans le bureau en échange de quelques faveurs et de son maintien à la tête du très juteux ministère de la Défense.
Ainsi va la politique congolaise : scandales, détournements, gestion familiale ou clanique, le tout assaisonné d'impunité et de corruption. Un mélange explosif concocté pour maintenir la majorité présidentielle à flot. Mais attention, chacun se surveille et guette la moindre erreur. Ce second mandat de Félix Tshisekedi sera un véritable numéro d'équilibriste entre changement constitutionnel et désignation d'un dauphin. Mais tout cela n'est rien d'autre qu'un jeu de dupes où le moindre faux pas risque de mener au naufrage.
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