Entre Félix Tshisekedi et Jean-Claude Kabongo, son conseiller spécial en matière d’investissements, rien ne va plus ! Dans le sérail présidentiel règne une tension particulière. Il y a quelques jours, juste avant le périple européen du Président de la République, son Conseiller spécial chargé des investissements, Jean-Claude Kabongo, alias JCK, a essuyé les foudres présidentielles. Dans les couloirs de la présidence, l’altercation entre Félix Tshisekedi et son conseiller n’est pas passée inaperçue. Alors qu’à son habitude le Président conserve une parfaite tempérance, cette fois, son conseiller spécial a dépassé les bornes. "Le Président s’est levé pour chasser JCK de son bureau. Encore un peu il l’aurait giflé en l’accusant d’être un escroc", explique un témoin de la scène qui n’en revient pas de la violence du ton et des menaces du Président contre son influent collaborateur.
Connu pour être au four et au moulin dans tous les dossiers qui concerne les investisseurs étrangers, Jean-Claude Kabongo a toujours mené grand train. A Paris, il occupe des appartements luxueux sur l’avenue Montaigne et conduit les plus belles voitures de luxe. Il porte les costumes les plus chers, se chausse de Berluti et ne dédaigne pas fumer des Cohiba Behike à 400 euros le cigare. Et bien entendu, il préfère les jets privés à la first class d’Air France dont il brandit la carte platinum.
Depuis sa nomination comme conseiller spécial chargé des investissements, l’influence de Jean-Claude Kabongo n’a cessé de grandir dans le sérail. Fort de ses relations familiales avec le tout puissant conseiller spécial en matière de sécurité, François Beya, l’homme chargé des investissements sillonnent le monde à la recherche des investisseurs. Du barrage d’Inga III, au pont route-rail Kinshasa-Brazzaville, en passant par la rocade de Kinshasa, le port en eaux profondes de Banana et la Zone Economique Spéciale de Maluku, Jean-Claude Kabongo a fait feu de tout bois. Après 30 mois de voyages en jets en dîners dans les hôtels les plus luxueux de Paris et de la Péninsule Arabique, le bilan du conseiller spécial est maigre, très maigre voire totalement nul.
Les deux dernières bourdes du plus influent conseiller du Président Tshisekedi ont trait à deux opérations sensibles qui ont éveillé l’attention du Président Félix Tshisekedi. L’une a trait aux blocs pétroliers de l’Albertine en Ituri et l’autre à la finalisation des négociations visant à la construction du port en eaux profondes de Banana.
En ce qui concerne les intérêts pétroliers, un rapide flash-back dans le passé de Jean-Claude Kabongo explique son implication active dans ce dossier. Dans les années 90, alors qu’il était le partenaire de Rodrigue Nguesso, le neveu du Président Sassou Nguesso, JCK avait créé une société de négoce de pétrole, African Trading Oil Company, ATOL. En 2020, la société avait accumulé tellement de pertes financières que les filiales étrangères étaient dissoutes. Seule la filiale congolaise continuait ses opérations dans le marché de trading du carburant entre Kinshasa et Brazzaville où JCK opérait avec le puissant homme d’affaires Lucien Ebata. Aujourd’hui, ATOL vend directement ses produits à la société nationale congolaise SNPC qui fut longtemps dirigée par Denis-Chrisel Sassou Nguesso, le fils du président Denis Sassou Nguesso, et cousin de Rodrigue Nguesso.
Fort de ses relations au sommet de l’Etat du Congo-Brazzaville, JCK n’a pas manqué d’identifier et engager une opération de séduction vis-à-vis de l’homme d’affaires Serge Pereira, dont l’épouse n’est autre que la fille d’une proche du Président Sassou Nguesso et de Claudio Descalzi, le PDG d’ENI. A Brazzaville, Serge Pereira est bien connu pour avoir obtenu le faramineux marché de la rocade qui longe le fleuve Congo pour un montant de 369 millions d’euros. Démarrés en 2016, les travaux accusent toujours un grand retard dans leur exécution. Serge Pereira a également obtenu le marché de la construction de l’université de Brazzaville. En RDCongo, Jean-Claude Kabongo a donc introduit auprès de Félix Tshisekedi son ami Serge Pereira afin de planifier le projet de la rocade de Kinshasa pour plus d’un milliard USD. En réalité, le conseiller spécial du Président Tshisekedi a tout simplement cherché à faire d’une pierre deux coups en introduisant au sommet de l’Etat congolais le beau-fils du grand patron de l’ENI. Il est utile de savoir que si le français TOTAL avec 212 milliards USD occupe la 9ème position des plus grandes compagnies pétrolières mondiales, l’italien ENI avec 52 milliards est à la 13ème position des plus grandes compagnies. Pour JCK, Serge Pereira et son beau-père sont des trophées précieux.
En RDCongo, la débâcle des FCC et de la maison Kabila a entraîné une redistribution des cartes dans l’attribution des blocs pétroliers. Le puissant Dan Gertler s’est vu retirer ses blocs de l’Albertine détenus par ses deux compagnies Foxwhelp et Caprikat. Faute d’y avoir investi et mis en valeur, les autorités congolaises ont donc remis ses deux blocs sur le marché. Les autorités congolaises ont engagé des discussions avec la compagnie TOTAL. Parallèlement, en toute discrétion, le président Félix Tshisekedi a instruit son ministre des Hydrocarbures de discuter également avec les italiens de ENI. Histoire de monter les enchères ! Et c’est là où le bât blesse ! Fort de ses entrées auprès de Claudio Descalzi, le puissant patron de ENI, JCK a purement et simplement court-circuité Didier Budimbu Ntubuanga, le ministre congolais des Hydrocarbures. Alors que ce dernier tentait vainement d’approcher en toute discrétion le patron d’ENI, usurpant les pouvoirs du ministre, Jean-Claude Kabongo négociait dans le sud de la France l’octroi des blocs aux Italiens. L’empressement du conseiller spécial a ruiné la stratégie de Félix Tshisekedi qui s’est retrouvé en position inconfortable et en porte-à-faux avec TOTAL et le président français Macron.
Si le dossier pétrolier des blocs de l’Albertine a été la goutte qui a fait déborder le vase, l’activisme de Jean-Claude Kabongo dans les dossiers de la Zone Economique Spéciale et dans la construction du Port en Eaux Profondes de Banana ont conduit à d’autres échecs retentissants. Flanqué de l’homme d’affaires Luc Gérard, Jean-Claude Kabongo avait placé la zone économique spéciale de Maluku parmi les objectifs principaux du quinquennat. A ce jour, Strategos, la société de Luc Gérard, devenu lui aussi conseiller du Chef de l’Etat, s’est révélée défaillante à mobiliser les fonds nécessaires au développement de la Zone de Maluku et le développement du site est demeuré lettre morte.
Le dossier du port en eaux profondes a également révélé au Président Tshisekedi toute l’incapacité de son conseiller spécial à finaliser les dossiers. Après avoir engagé des discussions avec Vincent Bolloré et lui avoir assuré que le nouveau port à construire à Banana ne pouvait échapper au groupe Bolloré, JCK s’est vu damer le pion par une équipe de conseillers du Président conduite par le directeur de cabinet adjoint chargé des questions économiques et financières ainsi que le fils de l’ancien ministre Mandungu. A force d’un travail patient et obstiné, les hommes du président sont parvenus à faire signer DP World. C’est bien à Dubaï, que la négociation s’est déroulée sous la supervision du Conseiller Wameso et des hommes du Sultan Ahmed Bin Sulayem. Le troisième exploitant portuaire mondial a gagné le dossier aux yeux et à la barbe de ses concurrents parrainés par JCK. Pressentant les difficultés, le conseiller spécial avait pourtant vainement tenté de reprendre en dernière minute la main sur le dossier géré par ses collègues. Mal lui en pris puisque le Chef de l’Etat congolais a suivi personnellement l’évolution des négociations.
Les échecs successifs de Jean-Claude Kabongo ne porteraient pas à conséquence si le Président Tshisekedi n’était pas saisi par plusieurs sources des commissions et des enveloppes négociées par son conseiller spécial. Accusé d’utiliser abusivement le nom du Président de la République, JCK aurait perçu des montants très importants de la part de plusieurs investisseurs contre des promesses non tenues. Le train de vie somptuaire de l’influent collaborateur du Président apporte l’eau au moulin de ses détracteurs qui sont de plus en plus nombreux.
Aujourd’hui, Jean-Claude Kabongo se défend des accusations portées contre lui. "J’ai offert tout mon carnet d’adresses au Président. Qui ne sait pas tout ce que j’ai fait pour lui quand il était dans l’opposition ?", affirme le conseiller spécial. Dans son cercle restreint, le conseiller spécial rappelle tous les billets d’avion et les voitures assorties de chauffeurs qu’il a mis à disposition de Félix Tshisekedi et de son épouse. Visiblement, JCK n’a pas digéré la manière dont le Chef de l’Etat l’a congédié de son bureau en le traitant de voleur. "Comment peut-il me traiter de voleur quand les frais de réfection de la résidence présidentielle où il veut recevoir les hôtes de marque du pays ont été facturés à plus de 100 millions de dollars ?", dévoile le conseiller spécial.
La coupe semble pleine. Si le Chef de l’Etat ne supporte plus son flamboyant conseiller spécial chargé des investissements, ce dernier n’est pas disposé à subir les foudres et la gifle qui lui ont été assenées. Pour Jean-Claude Kabongo ce n’est pas une question d’orgueil mais de devoir de mémoire. Le couple Tshisekedi ne peut pas oublier d’où il vient et à qui il doit d’être parvenu au sommet de l’Etat. Quels que soient ses échecs ou ses erreurs, JCK réclame de n’être pas humilié et jeté en pâture à ceux qui veulent en découdre avec lui. Il est vrai qu’il est loin d’être le seul des conseillers du Chef de l’Etat à qui des comptes sont demandés. A l’heure de la lutte tout azimut contre la corruption conduite par Félix Tshisekedi, il est temps de remettre de l’ordre dans le tout premier cercle du pouvoir. Reste à savoir si les secrets de la maison demeureront bien gardés ou si le Chef de l’Etat cédera aux chantages de ceux qui en savent beaucoup trop !
Que le Chef de l' Etat se debarasse de sew conseillers qui ne sacquittent pas valable ment de leurs taches et y placer des Congolais capables.