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Photo du rédacteurmutambak96

Fayulu, Matata, Muzito, Katumbi, Kabila : les passerelles sont jetées !


Après la publication du calendrier électoral par la CENI et en perspective du démarrage imminent de la campagne d’identification des électeurs, tous les acteurs politiques fourbissent leurs stratégies. Si du côté du camp présidentiel, la ligne politique consiste à transformer l’Union Sacrée en plate-forme électoral de soutien à la candidature du président sortant, au niveau de l’opposition, la ligne est loin d’être claire. Les divisions et les querelles du passé laissent des cicatrices douloureuses.

En premier lieu, il s’agit d’identifier les acteurs. A ce jeu, les observateurs notent que Martin Fayulu, le candidat malheureux des dernières élections, est le seul opposant à avoir conservé une ligne d’opposant radical à Félix Tshisekedi. Avec une constance et une régularité digne d’une montre suisse, le leader d’ECIDE a toujours répondu à l’heure à tous les rendez-vous contre le pouvoir de Kinshasa. N’hésitant pas à ruer dans les brancards, l’homme laisse l’image d’un leader déterminé à mettre fin à un régime issu selon lui de la plus grande fraude électorale jamais vécue en Afrique. « Le plus grand ennemi de Martin, c’est son égo hypertrophié. Il croit que tout le monde doit travailler pour lui », déclare un des leaders de l’opposition. Ce que d’aucuns considèrent comme de l’intransigeance, de l’incapacité à ménager des alliés voire même de l’ingratitude a conduit à l’implosion de la plate-forme LAMUKA et à une démarche solitaire. Apparemment, la présidence tournante de LAMUKA fut loin d’être une sinécure. Le dernier en date à avoir quitté la barque est l’ancien Premier Ministre Adolphe Muzito.


A un an des élections, contre toute attente, l’ancien sociétaire du PALU et neveu d’Antoine Gizenga a décidé de s’affranchir du pacte qui le liait à Martin Fayulu. Les deux hommes issus de la même province du Kwilu n’arrivent manifestement plus à se supporter. La mauvaise répartition d’une enveloppe de 200.000 USD, mise à disposition de LAMUKA par un généreux donateur souhaitant conserver le plus strict anonymat, a fini de mettre le feu aux poudres. Adolphe Muzito ne cachant plus son irritation de voir Martin Fayulu prendre seul et sans concertation des décisions au nom de la plate-forme, il a tout simplement décidé de faire cavalier seul. Ayant mis à profit ces trois dernières années pour implanter son parti Nouvel Elan à travers le pays, bien que manquant de charisme, Muzito dispose d’une machine politique capable d’apporter des élus.


Un péril venu de l'Est


Un autre ancien Premier Ministre, Augustin Matata Ponyo, fait lui aussi partie du carré des opposants déterminés à en découdre avec Félix Tshisekedi. Fragilisé par une enquête de l’Inspection des Finances qui a révélé le détournement de près de 200 millions USD dans la gestion du dossier du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo, Matata Ponyo n’a eu comme parade que d’accélérer la sortie de son parti, LGD, et sa candidature à la présidentielle de 2023 dans l’espoir de neutraliser la justice congolaise. Cette stratégie paraît prendre l’eau de toutes parts avec la saisine de la Cour Constitutionnelle et l’ouverture probable d’un procès. Disposant de soutiens limités à sa province, le Maniema, Augustin Matata aura fort à faire pour sortir des griffes d’une justice instrumentalisée et aux ordres.

C’est dans l’Est du pays que les interrogations surgissent. A ce stade, les ambitions du Prix Nobel de la Paix, le docteur Denis Mukwege, de l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi et de l’ancien président Joseph Kabila demeurent floues. Si le dernier cité distille la rumeur selon laquelle un retour à l’avant-scène de la politique congolaise n’est pas à l’ordre du jour, il n’en est pas de même pour Moïse Katumbi. Bien qu’ayant quitté LAMUKA pour répondre à l’appel de Félix Tshisekedi, l’ancien gouverneur du Katanga a immédiatement pris ses distances avec le Chef de l’Etat en refusant de participer personnellement à son gouvernement. « La pilule de l’Union Sacrée ne passe toujours pas malgré le temps qui coule, plus rien ne justifie cette alliance », rumine un sympathisant de Moïse Katumbi qui affirme redouter un revirement de dernière minute de l’ancien gouverneur. A ce jour, l’homme navigue toujours dans un flou artistique laissant les Congolais perplexes. Toutefois, en orientant ses efforts sur l’implantation de son parti ENSEMBLE, Moïse Katumbi laboure le terrain. En septembre, le parti de Katumbi annonçait plus d’un million d’adhérents dans les 26 provinces. Par ailleurs, c’est un secret de polichinelle que de Kabuya à Kazadi, tous les lieutenants de Félix Tshisekedi, voire le Chef de l’Etat lui-même, ne cachent pas leur haine à l’endroit de l’ancien gouverneur du Katanga qui est perçu comme l’ennemi à abattre. Les dossiers judiciaires sont en préparation. Mais il ne leur sera pas facile d’écarter à nouveau l’homme fort du Katanga qui travaille patiemment et sans bruit à son réseau.


Le candidat des Occidentaux


Disposant de très puissants soutiens aux Etats-Unis et en Europe, un homme pourrait être en capacité aujourd’hui de rassembler les ambitions autour de son nom. Il s’agit du Prix Nobel de la Paix, le docteur Denis Mukwege. Plus connu à Paris, Bruxelles, New York que dans les faubourgs de Kinshasa, le Dr. Mukwege est l’homme des Occidentaux. Et, il y a loin de la coupe aux lèvres. Le harcèlement fiscal dont le patron de l’hôpital de Panzi est victime de la part du pouvoir atteste que dans le camp présidentiel tout est fait pour décourager les ambitions du Prix Nobel. Tshisekedi passe suffisamment de temps à Bruxelles pour avoir identifié dans la capitale de l'Unin européenne le poids de ce rival potentiel.


Une entente katangaise ?

Enfin, faisant sienne la maxime selon laquelle « le silence est grand, tout le reste est faiblesse », l’ancien président Joseph Kabila laisse planer le doute sur ses projets. Après avoir observé le départ de ses principaux lieutenants, parmi lesquels nombre de Kasaïens au rang desquels Lambert Mende, Adolphe Lumanu, Evariste Boshab, Joseph Kabila a constitué autour de Raymond Tshibanda une nouvelle garde qui doit faire ses preuves. Rien n’indique que le PPRD affaibli et en reconstruction où l’on évoque la tenue prochaine d’un Congrès sera prêt dans moins d’une année à affronter l’UDPS et sa majorité. Mais la donne katangaise n’est pas négligeable. La province minière qui alimente les caisses de l’Etat veut récupérer le pouvoir. Sous l’égide de l’Archevêque de Lubumbashi, Mgr. Fulgence Muteba, principal artisan de la réconciliation katangaise, il apparaît évident que Joseph Kabila et Moïse Katumbi devraient s’entendre sur celui qui portera les couleurs du moteur économique du pays aux prochaines échéances.

Face à une opposition fragmentée et en mal d’adopter une position commune notamment face à la dénonciation claire du Rwanda dans son soutien aux rebelles du M23, Félix Tshisekedi qui, lui aussi, fait face à des difficultés au sein de sa majorité, devrait pouvoir tirer son épingle du jeu. Mais en RDCongo, faute d’appareils sophistiqués, personne ne peut lire à l’avance le temps qu’il fera demain ! Un rapprochement de tous les leaders autour d’une stratégie commune pour des élections transparentes est possible. Faute de pouvoir taire les égos et de dégager un candidat unique de l’Opposition, les passerelles sont jetées. On évoque notamment une prise de position commune sur la répartition des centres d’inscriptions qui fait la part beaucoup trop belle aux provinces du Kasaï, le calendrier électoral improbable de Denis Mukwege ou encore la mutualisation des ressources humaines et financières pour disposer de 90.000 observateurs dans tous les bureaux de vote. Dans tous les états-majors des leaders de l’opposition, on en parle, on se voit, on discute. Rien de concret mais les choses avancent ! L’antienne « Tous sauf Tshisekedi » pourrait bien être le lien commun de tous ces leaders.


Fayulu, Muzito, Matata, Katumbi, Kabila peuvent-ils recoller les morceaux ? En ont-ils la volonté ? Rien n’est moins sûr ! Une opposition divisée ferait bien les affaires de Félix Tshisekedi et de son camp ! Mais, il y a fort à parier que sous la pression de la population et d’une large partie de la société civile, l’opposition n’en restera pas là !






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