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Bemba ou le déclin moral d’un chef de guerre devenu affairiste d’État

  • Photo du rédacteur: mutambak96
    mutambak96
  • 27 juil.
  • 6 min de lecture
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Ancien fauve redouté, autrefois seigneur des forêts, Jean-Pierre Bemba est aujourd’hui réduit à flatter le renard du moment pour lécher quelques os. Une bête qui, jadis, rugissait contre l’injustice, mais qui, rongée par la peur de ses fautes passées, échange sa crinière contre une gamelle dorée.


Un évêque, deux valises : la politique des offrandes humiliées


Le 15 juin dernier, la paisible commune de Molegbe, dans la circonscription électorale du Nord-Ubangi, accueillait un événement religieux d'envergure : le Sacre du nouvel évêque de Molegbe. Une occasion sacrée de communion et de rassemblement, que Jean-Pierre Bemba, vice-Premier ministre en charge des Transports et président du MLC, a choisi d'instrumentaliser à des fins politiques.


En offrant publiquement 20 000 dollars américains au nouvel évêque, Bemba a tenté de réaffirmer son influence sur sa province natale de l'Équateur, un bastion qui lui échappe progressivement. Mais cette tentative désespérée de reconquête a été éclipsée par le geste plus spectaculaire du ministre de l'Aménagement du territoire, Guy Loando, plus jeune, plus populaire, qui a remis un don de 100 000 dollars au même évêque. Une humiliation publique qui a accentué le malaise.


L'incident ne s'arrête pas à une rivalité de générosité. Quelques jours plus tôt, Jean-Pierre Bemba se livrait encore à des déclarations incendiaires contre l'Église catholique, accusant les évêques et le cardinal Fridolin Ambongo de vouloir faire de la politique et de conspirer contre le président Tshisekedi. Lors de la messe du Sacre, le cardinal Ambongo, présent dans l'assemblée, s'est avancé vers Bemba et lui a simplement dit : « Nous devrions parler ». Une invitation au dialogue que Bemba a fuie sans hésitation, quittant précipitamment les lieux, incapable d'assumer ses paroles face à celui qu'il avait publiquement diffamé.


L’homme qui insulte, trahit et se vend


Cette fuite, symptomatique d'un homme en perte de repères, illustre l'écart croissant entre les postures publiques de Bemba et sa capacité réelle à affronter la vérité. Elle révèle surtout une stratégie de survie politique fondée sur la provocation, la calomnie et la soumission au pouvoir en place.


Jean-Pierre Bemba n'en est pas à sa première sortie déshonorante. Ces derniers mois, il a multiplié les insultes publiques contre ses adversaires politiques : Joseph Kabila, accusé d'usurpation d'identité congolaise, Moïse Katumbi, vilipendé sans la moindre preuve. Lors de la campagne électorale de 2023, il s’est même illustré par une accusation grotesque et sans fondement, affirmant que Moïse Katumbi projetait de tricher aux élections en recourant à des hackers russes pour infiltrer les serveurs informatiques de la CENI. Aucune preuve n’a jamais été apportée à ces allégations mensongères, révélant une nouvelle fois le penchant de Bemba pour les calomnies à répétition, utilisées comme armes politiques dans l’unique but de discréditer ceux qui pourraient faire de l’ombre à sa reconversion opportuniste. 

Tous sont devenus les cibles d'un Bemba désorienté, dont la seule obsession semble être de conserver sa proximité avec le président Tshisekedi.


La haine que Jean-Pierre Bemba voue à Joseph Kabila dépasse le cadre politique : elle est personnelle, viscérale, irréductible. En mars 2007, à Kinshasa, alors qu’il refusait de désarmer sa garde rapprochée, Bemba engagea des affrontements armés contre les forces loyalistes de Kabila dans la commune de la Gombe. Ces combats, d’une rare violence, causèrent la mort de plusieurs centaines de personnes au cœur même de la capitale congolaise. À l’issue de cet épisode tragique, Jean-Pierre Bemba prit la fuite avant d’être arrêté en 2008, puis transféré à la Cour pénale internationale. Il n’a jamais pardonné à Joseph Kabila ce qu’il considère comme la source de ses malheurs : dix années d’emprisonnement, une carrière politique brisée, une humiliation internationale, une souffrance psychologique profonde dont il ne s’est jamais relevé. Depuis, Kabila incarne pour lui l’ennemi à abattre, et tout rapprochement potentiel avec ce dernier ou ses anciens alliés fait l’objet de sa vindicte.


Quant à Moïse Katumbi, le parcours est tout aussi révélateur. À plusieurs reprises, Katumbi tenta de bâtir une alliance stratégique avec Bemba, notamment lors de la coalition Lamuka. Mais Jean-Pierre Bemba, fidèle à sa ligne de survie opportuniste, n’hésita pas à trahir cette alliance dès lors que Félix Tshisekedi lui ouvrit les portes du pouvoir. Flatté, promu, réhabilité politiquement, Bemba renia Katumbi sans états d’âme, préférant l’ombre protectrice du président à une opposition construite et solidaire.


Justice en embuscade : quand le passé vous rattrape


Pourquoi une telle loyauté servile envers Tshisekedi ? Les raisons en sont moins idéologiques que judiciaires. Dans les prochaines semaines, s'ouvrira en France le procès de Roger Lumbala, ancien chef du RCD-N, accusé de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité commis entre 2002 et 2003 dans la province de l'Ituri. Or, Roger Lumbala était un allié militaire de Jean-Pierre Bemba. Les hommes du MLC, mouvement dirigé par Bemba, avaient opéré conjointement avec ceux de Lumbala dans le territoire de Mambasa, où des atrocités similaires à celles jugées à La Haye ont été perpétrées.


Jean-Pierre Bemba a déjà passé dix ans devant la Cour pénale internationale pour des crimes commis en Centrafrique. Il sait que la justice internationale, notamment en France, pourrait prochainement l'interroger sur son rôle dans l'Ituri. Cette crainte judiciaire expliquerait sa soumission politique actuelle et son alignement absolu sur les positions du pouvoir. Il cherche la protection du président Tshisekedi comme un rempart contre une possible nouvelle mise en cause.


Deux ministères, zéro résultat : chronique d’une faillite d’État


Mais son déclin ne s'arrête pas à la sphère judiciaire. Sur le plan gouvernemental, les résultats de Jean-Pierre Bemba sont tout aussi calamiteux. Nommé ministre de la Défense dans un contexte de guerre, Bemba a dépensé des centaines de millions de dollars dans l’achat d’armes, le recrutement de mercenaires, le déploiement de troupes. Le tout sans le moindre résultat tangible sur le terrain. Sous son autorité, l’armée congolaise n’a récupéré aucun mètre carré de territoire occupé à l’Est du pays. L’opacité des marchés publics, les soupçons de surfacturation, et l’enrichissement personnel sont les seules marques visibles de son passage à ce poste stratégique. Jamais la corruption n’a autant gangrené le secteur militaire que sous son autorité.


Révoqué du ministère de la Défense, Jean-Pierre Bemba a été recasé au ministère des Transports, l’un des plus juteux du gouvernement. Là encore, son incompétence éclate au grand jour. Les embouteillages monstres à Kinshasa n'ont jamais été aussi graves. Les marchés liés à la construction et à la rénovation des aéroports sont passés dans une totale opacité. Des soupçons de favoritisme entourent la délivrance des permis de conduire biométriques, tout comme la sélection de compagnies de transport public. Une rumeur persistante évoque même une société de taxis appartenant à un membre de la famille Bemba, favorisée par des décisions administratives opaques.


Bemba, jadis ruiné après dix années passées à la CPI, est aujourd’hui redevenu un homme prospère. Une prospérité qu’il doit non pas à sa compétence ou à une vision politique, mais à sa fidélité de circonstance à Félix Tshisekedi, qu’il méprisait pourtant ouvertement il y a encore quelques années.


Du mépris au tapis rouge : la grande hypocrisie congolaise


À Genève, en 2018, lors de la désignation d’un candidat commun de l’opposition, Jean-Pierre Bemba s’était vigoureusement opposé à Félix Tshisekedi, le considérant comme un homme médiocre et sans envergure. Installé comme lui en Belgique pendant près de vingt ans, Bemba n’a jamais fréquenté Tshisekedi, qu’il jugeait socialement inférieur. Lui, ancien proche de Mobutu, prétendait incarner une certaine « noblesse politique », regardant de haut l’héritier de l’opposant historique.


Aujourd’hui, celui qui fustigeait la pauvreté de la famille Tshisekedi est devenu son valet le plus servile. De lion de guerre, il est devenu chaton de salon. De tribun combattif, il s’est mué en courtisan obséquieux.


L’ancien chef de guerre, qui se voulait redevenu homme d’État, se révèle comme un acteur usé, sans vision, dont la survie politique repose sur la peur, l’opportunisme et le mensonge. Il n’incarne plus une alternative. Il est devenu le symbole d’une opposition domestiquée, discréditée et moralement à genoux.


Le peuple congolais mérite mieux que des figures recyclées, compromises et déconnectées. Il a droit à la vérité, à la justice et à une opposition courageuse, propre et déterminée. Jean-Pierre Bemba a fait son choix. L’histoire, elle, en tirera les leçons. Celle du lion édenté qui, comme les fables de Lafontaine finit par une leçon universelle : Qui rugit contre tous, mais rampe devant un, finit plus courtisan que roi, plus museau au sol que tête haute.

 
 
 

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