Cette fois, le grand jeu est lancé. Tous les matins en se rasant Félix Tshisekedi ne pense qu'à sa réélection. Pour atteindre son objectif, vu le bilan désastreux de son premier quinquennat, il compte sur quelques alliés de poids pour l'aider à rendre ce scrutin un tantinet crédible.
Le premier d'entre eux se nomme Vital Kamerhe, son complice lors de la campagne électorale de 2018. L'homme qui a rendu crédible sa candidature au sein de "Cash", la plateforme qui portait décidément bien son nom
Pur comme l'enfant qui vient de naître
Evidemment, pour que son ancien colistier puisse le soutenir, il faut le laver de toutes les charges qui pèsent contre lui. L'ancien président de l'Assemblée nationale, devenu son directeur de cabinet au lendemain de son accession au pouvoir avec l'accord de Joseph Kabila, a été condamné en première instance à 20 ans de réclusion dans le dossier des "100 jours" . Une peine ramenée à 13 ans en appel.
Pour qu'il puisse reprendre sa place à la droite de Dieu-Fatshi, Vital Kamerhe doit être lavé de tout soupçon. Ce sera le rôle de la Cour de Cassation qui doit prochainement annuler toutes les charges qui ont été retenues contre lui. Tout est prêt. Le scénario dicté par le président de la République, qui s'est autodésigné juge suprême, a été présenté à Vital Kamerhe il y a quelques jours par le conseiller Fortunat Biselele, alias Bifor, qui s'est rendu à Paris lors du voyage présidentiel à Bruxelles de ce début du mois de mars. Une rencontre facilitée par John Nsana Kanyoni, qui a joué les intermédiaires.
"Tout est prêt", a expliqué Vital Kamerhe, qui s'est entretenu avec un diplomate occidental. "Si je m'engage à jouer le jeu, je serai complètement blanchi", a dit Kamerhe qui sera chargé de mener campagne et de ramener notamment les voix des Kivus dans l'escarcelle présidentielle.
Vital Kamerhe a donné son accord pour ce scénario. Mais l'homme politique, qui connaît la mentalité congolaise sur le bout des doigts, sait que son retour sur le devant de la scène ne sera pas accepté par la grande majorité de la population qui va voir un homme rétabli dans ses droits, sans qu'il y ait un franc des détournements qui ont eu lieu dans le cadre de ce dossier des "100 jours" qui soit retourné dans les caisses de l'Etat, sans qu'il y ait la moindre saisie chez qui que ce soit. Impensable.
Malgré ses réticences, Vital Kamerhe a expliqué qu'il n'avait pas le choix. Qu'il était obligé d'accepter le deal. "Si je ne marche pas dans cette combine, Félix va me coller de nouveaux dossiers sur le dos et me rendre la vie impossible. Je le sais trop bien. J'ai vu fonctionner le Monsieur et ses principaux conseillers et sa dame", a poursuivi Vital kamerhe auprès de ce diplomate.
Glissement d'un an
Parmi les éléments du deal imposé par Tshisekedi à Kamerhe, il y a l'obligation d'expliquer le glissement qui se prépare. Les élections n'auront pas lieu fin 2023. Si tout va bien, la présidentielle et les législatives seront postposées d'un an. Le patron de la Ceni, l'a clairement laissé entendre aux Congolais, Bifor l'a dit explicitement à Kamerhe, Félix Tshisekedi est en train de faire passer le message à ses différents interlocuteurs. Certains de ses collègues chefs d'Etat lui ont déjà donné leur accord pour ce scénario présenté comme une nécessite et un moindre mal.
Un scénario qualifié de "mortel" par Vital Kamerhe qui, une fois de plus, a expliqué au diplomate qu'il n'avait pas le choix s'il voulait éviter les coups tordus de son ancien partenaire. "On m'annonce que la Cour de cassation va me laver mais je le répète, je n'ai pas pris un franc dans ce dossier. Je n'ai jamais donné le nom des vrais bénéficiaires mais ça ne veut pas dire que je ne sais pas qui a pris l'argent. Ce n'est pas ce deal qui va laver mon honneur. Au contraire, je vais être obligé de jouer un jeu que les Congolais ne supporteront pas et je vais m'exposer à leur colère. Ce que l'on voit à travers mon cas peut arriver à n'importe qui au Congo désormais. Si vous déplaisez au Chef, si vous ne faites pas exactement ce qu'il veut, vous subirez le même sort que moi. Ceux qui osent encore s'opposer à Tshisekedi doivent s'attendre au pire. Le Monsieur est prêt à tout, absolument tout, pour rempiler."
Même s'il se trouve à Paris, Vital Kamerhe garde ses contacts avec l'est du pays. Il sait que les ONG et la société civile du Nord et du Sud-Kivu ne veulent pas entendre parler de son retour pour soutenir Tshisekedi. "Pour eux, si je rentre dans cette combine, ma carrière politique est définitivement terminée. Je suis entre le marteau et l'enclume. Quelle que soit ma décision, je vais prendre des coups, j'en suis conscient mais Tshisekedi est le plus dangereux."
Vital Kamerhe répète qu'il sait qui a pris l'argent. Il sait exactement comment cela s'est passé. Il reconnaît qu'il a, un soir où il avait trop bu, accepté de signer des documents et qu'il a fermé les yeux sur certains agissements surtout d'une personne très très proche du président.
Très cher palais du roi Philippe
Vital Kamerhe a aussi pointé quelques dérapages de la famille présidentielle qui ont coûté beaucoup d'argent aux Congolais. Comme les montants astronomiques payés au beau-frère du président pour la décoration de la résidence présidentielle, rebaptisée par de nombreux Congolais le "Palais du roi Philippe". Un ensemble qui sera terminé le mois prochain et qui devrait accueillir cet été le pape et le roi Philippe. "Ce beau-frère n'a livré aucun élément de décoration, il n'a strictement rien fait. Mais il a été payé à l'avance, personne ne lui a réclamé cet argent qui a été ponctionné dans les caisses de l'Etat. Finalement, c'est un décorateur français Bertrand Prestige, qui est intervenu et qui a très largement surfacturé ses prestations pour pouvoir décorer le nouveau pied à terre présidentiel acheté à Uccle, avenue Prince d'orange, derrière une petite église, au sud de Bruxelles le tout évidemment au frais du contribuable congolais".
Face à cette mise au point de Vital Kamerhe, le diplomate s'est contenté de lui rappeler que Félix Tshisekedi n'avait pas tenu ses engagements vis-à-vis de Martin Fayulu, qu'il en a fait de même avec Kabila et que rien ne disait qu'il se comporterait autrement avec lui à l'avenir...
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