De la toute dernière rencontre entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, qui a suivi le retour de ce dernier d’une tournée à l’Est, les proches du Président de la République gardent un goût amer. Les deux hommes ont visionné ensemble les images des meetings populaires de l’homme fort de Bukavu. Avec le bagout qu’on lui connaît, Vital Kamerhe a tenté de désamorcer la déception teintée d’incrédulité du Chef de l’Etat congolais qui s’interroge sur les raisons pou lesquelles son ancien Directeur de Cabinet, qu’il a fait sortir de prison, n’a exprimé à la population aucun message de soutien à sa candidature pour la prochaine présidentielle. « Il a dit au Président qu’il travaillait à redonner confiance à la population qui est sous la menace du M23 et des groupes armés et qu’il était trop tôt pour parler des élections », a confirmé un conseiller du président sous le sceau de l’anonymat. Vrai ou faux, il semble que les explications de l’ancien Directeur de Cabinet n’ait pas vraiment convaincu le premier cercle du pouvoir qui suspecte Vital Kamerhe de rouler pour... Vital Kamerhe !
En réalité, le succès engrangé par l’ancien directeur de cabinet de Félix Tshisekedi n’a pas plu du tout à l’entourage du Chef de l’Etat congolais. Du côté du Mont Ngaliema, on ne décolère pas. « Nous avions mis en garde le Président de ne plus faire confiance à cet homme. Il ne peut plus rien nous apporter » vitupère un conseiller du Chef de l’Etat. Le péché mortel dont est accusé l’homme fort de Bukavu est d’avoir soigneusement évité de mentionner le nom de Félix Tshisekedi lors de ses meetings populaires. On est bien loin du contrat scellé le 05 septembre dernier à Bruxelles lors de la rencontre entre le candidat Tshisekedi et son ancien allié tout droit sorti de prison au cours de laquelle, selon Jeune Afrique, Vital Kamerhe avait redit à Félix Tshisekedi son engagement à ses côtés et sa volonté de renforcer le partenariat entre leurs partis, l’UNC et l’UDPS.
Accord de dupes ?
Après le très médiatique procès des 100 jours, il est de notoriété publique que l’acquittement de Vital Kamerhe s’est bel et bien effectué sur fond d’un arrangement politique improbable conduisant à la reconstitution du « ticket gagnant » des élections frauduleuses de 2018. « Vital Kamerhe considère que le poste de Premier Ministre lui revient aujourd’hui de droit en vertu du pacte signé entre les deux leaders à Naïrobi », affirme-t-on au sein du directoire de l’UNC. Dans la troupe de Vital Kamerhe, on estime qu’il est grand temps que Félix Tshisekedi respecte ses engagements. Le soutien à sa candidature est à ce prix !
Du côté de la présidence congolaise, on prend le temps de la réponse. On scrute. On analyse. On écoute le moindre signe de la part de l’allié fraîchement sorti de prison. « Vital ne nous rassure pas », affirme un proche de Kabuya, le secrétaire général de l’UDPS. Le manque de confiance entre les deux hommes et leurs lieutenants respectifs est réel. Dans son écurie, Vital Kamerhe dispose de deux ministres qui ont fait fortune dans le gouvernement Sama Lukonde. Il s’agit du très discret ministre du Budget, Aimé Mboji, beau-frère de Vital Kamerhe, et de Molendo Sakombi, le ministre des Affaires foncières. « Ces deux-là ne sont pas prêts à laisser leur strapontin. Vital le sait et doit les rassurer », affirme un proche de Vital Kamerhe. A un an des élections, il est bien trop tôt pour créer des vagues.
Dans ce nouveau jeu qui ressemble une suite de « La vérité si je mens », c’est dans les capitales étrangères qu’il faut chercher les indices d’une réconciliation sincère entre les deux patrons de la coalition CACH. Au cours des derniers jours, les deux premiers lieutenants de Vital Kamerhe, l’honorable Juvénal Munubo et Billy Kambale ont sillonné les capitales occidentales pour tâter discrètement le pouls de partenaires quant à une éventuelle candidature de leur mentor à la prochaine présidentielle prévue en 2023.
« Cet incapable de Tshisekedi »
Dans la foulée de ce questionnement, les deux hommes ont dressé un tableau sombre – mais plutôt fidèle à la réalité - de la situation en RDC. Le duo a insisté auprès de chacun de ses interlocuteurs en Belgique, à l’Union européenne et à Paris, sur les faiblesses de plus en plus criantes du Président Tshisekedi incapable de résoudre les conflits de l’Est.
Forcément, la confidentialité de ces échanges n’a tenu que l’espace d’un instant. Un très court instant. Et ce qui est revenu aux oreilles du président et de son premier cercle a surtout mis en évidence les dangers du retour de Kamerhéon au sein du pouvoir à Kinshasa. Pour les proches de Tshisekedi, forts de ces informations, l’attitude à adopter vis-à-vis de Kamerhe est évidente.
La guerre des barons
Pour revenir à la réunion du cercle stratégique de l’UNC qui a précédé la deuxième rencontre entre Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe, ce dernier a donné l’ordre à ses lieutenants de faire profil bas. « On ne communique que sur le plan de sortie de crise à l’Est », a instruit Vital Kamerhe. Il n’est pas question d’autre chose… Le parcours qui conduit à la Primature tant convoitée est d’autant plus difficile que le président du Sénat, Modeste Bahati, lui-même originaire du Sud Kivu, n’a pas dit son dernier mot. Se débarrasser du Premier ministre actuel, Sama Lukonde, et du président du Sénat, Modeste Bahati, pour satisfaire les ambitions d’un allié peu fiable est un prix que l’entourage de Félix Tshisekedi estime bien lourd. Trop lourd ! D’autant que Vital Kamerhe ne donne à ce jour aucune garantie si ce n’est un plan de sortie de crise à l’Est par la voie du dialogue avec l’Ouganda et le Rwanda. A l’UDPS, cette proposition à toutes les allures d’un plat réchauffé bien peu ragoûtant.
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