
Au moment où, lors de sa visite au Katanga, le Président Tshisekedi a annoncé de manière assez précoce sa volonté de briguer un second mandat, un nouveau jeu d'alliances politiques semble être engagé. Si au niveau de l'UDPS on n'évalue pas encore bien les conséquences de l'écartement de Vital Kamerhe, en ce qui concerne l'UNC, tout le monde est déterminé à faire payer à Félix Tshisekedi au prix le plus fort les humiliations et l'incarcération prolongée de l'homme fort de Bukavu.
"Trop, c'est trop ! Un jour ils disent qu'ils ont besoin de nous pour 2023 et le lendemain, ils envoient leurs talibans nous injurier !", affirme un proche de Vital Kamerhe. La tension grandit au sein du parti de l'ancien Directeur de Cabinet du Président Félix Tshisekedi. Alors que tout semblait en ordre pour la libération du plus célèbre des prisonniers du Chef de l'Etat, tout indique une nouvelle volte-face du pouvoir de Kinshasa dans la gestion du dossier. Le déroulement du procès en appel ne laisse plus planer de doutes. Alors que depuis plusieurs mois, un visa a été accordé par les autorités françaises et que toutes les dispositions ont été prises pour l'affrètement d'un avion devant amener Vital Kamerhe et son épouse au Bourget, l'espoir d'une libération prochaine de l'ancien président de l'Assemblée nationale est tout d'un coup retombé. Une colère froide s'est emparée de l'ancien Directeur de cabinet qui vient de comprendre qu'il vient d'être une nouvelle fois victime des promesses de son ancien allié politique. Une condamnation en appel serait un couperet définitif sur l'avenir d'un homme politique talentueux à qui rien ne semblait résister.
"Le Président Kamerhe est d'autant plus fâché qu'il ne supporte pas du tout les insultes adressées par les talibans à son épouse, notre Winnie Mandela", révèle un ami du nouveau Secrétaire Général de l'UNC Billy Kambale. Ce dernier vient de hausser le ton en écrivant officiellement à son homologue de l'UDPS, Augustin Kabuya, pour dénoncer les dérives répétées et les injures des communicateurs du parti présidentiel à l'endroit du président de l'UNC et de son épouse Hamida Kamerhe-Shatur. "C'est avec regret que nous portons à votre connaissance que depuis un certain temps des groupuscules de personnes bien identifiées se réclamant de l'UDPS (...) publient des vidéos virales circulant dans les réseaux sociaux. Ces vidéos contenant des propos à caractère injurieux, diffamatoire et des menaces de mort à l'endroit de notre président National l'Honorable Docteur Vital Kamerhe et de sa charmante épouse Madame Hamida Kamerhe portent, non seulement atteinte à leur honneur, mais aussi leur cause un sérieux préjudice moral", écrit Billy Kambale.
Il est bien loin le temps de la parfaite amitié entre les couples Tshisekedi-Kamerhe. Les liens que l'on pouvait croire fusionnels entre les deux hommes, la Distinguée Première Dame Denise Nyakeru et la sémillante Hamida Shatur ont laissé place à une parfaite inimitié doublée d'une amertume sans borne de la part des Kamerhe. A l'évidence, le silence observé par Vital Kamerhe sur l'implication personnelle du Chef de l'Etat dans la gestion du programme des 100 jours ne s'est pas révélée utile. Le couple Kamerhe se dit abandonné et trahi par le Chef de l'Etat et son épouse. Bien que le Président de la République continue à envoyer régulièrement des émissaires porteurs de messages de réconfort et d'apaisement à son ancien directeur de cabinet, le dépit et le ressentiment qui règnent au sein du clan Kamerhe ont atteint le point de non-retour.
Au niveau du parti de Vital Kamerhe règne le même sentiment de trahison de la part de l'allié. L'UNC a bel et bien vomi l'UDPS qu'elle accuse d'ingratitude et de duplicité répétée. Pour tous les partisans de Vital Kamerhe, sans la force de l'engagement du président de l'UNC, sa formidable capacité à conduire une campagne et sa parfaite maîtrise du camp Kabila, jamais Félix Tshisekedi n'aurait espéré accéder à la magistrature suprême. Aujourd'hui que l'un se retrouve confiné dans un petit salon alloué pour y prendre ses soins médicaux en marge de la prison de Makala et l'autre se prélassant dans les palais de la République, à l'UNC, la pilule est devenue impossible à avaler.
Au sein de l'UNC, plusieurs cadres ne cachent plus leur déception. A Bukavu, l'accueil du Premier Ministre Sama Lukonde au cri de "Libérez Kamerhe" illustre le vent de colère qui règne parmi les partisans de Kamerhe. "On a reçu trop de promesses. La seule chose qui intéresse Félix Tshisekedi est sa réélection. Dès qu'il sera rassuré de notre soutien, on sait qu'il libérera notre Président. Mais mieux vaut sortir avec honneur que de vivre dans l'humiliation", affirme Kasereka, un cadre de l'UNC/Bukavu.
Tant au niveau de la base que des organes dirigeants de l'UNC, l'heure n'est donc plus du tout aux illusions. Le mariage UDPS-UNC a vécu. Afin de ne pas perdre les précieux portefeuilles ministériels qui constituent les seules garanties d'un maintien de l'UNC parmi les formations politiques de référence, une position stratégique de "l'hypocrisie de bouche" a été adoptée par les lieutenants de Kamerhe. Rien ne doit être engagé qui soit susceptible de mettre en péril des positions dans le gouvernement Sama Lukonde, notamment le ministère du Budget. Mais en ce qui concerne les alliances futures, au sein de l'UNC, l'évocation d'un retour en ménage avec l'UDPS et son chef est tout simplement inconcevable.
"On a son honneur ou on n'en a pas !" murmure un cacique du parti de Kamerhe qui avait à l'époque vécu le fracassant divorce de son Chef avec l'ancien président Kabila et qui supporte difficilement les humiliations infligées par les hommes de Félix Tshisekedi à son mentor et à sa famille. "Même s'il faut tendre la main à Martin Fayulu ou à tout autre candidat, nous n'hésiterons pas une seconde", clame-t-il avec détermination.
A mesure que les mois s'égrènent, arrivé à mi-mandat, le Président Félix Tshisekedi a ouvertement choisi la voie de la course solitaire vers un second mandat. A l'évidence, la confirmation de la condamnation de Vital Kamerhe en appel, la levée de l'immunité parlementaire d'Augustin Matata et la mise à l'écart de Richard Muyej, le puissant gouverneur du Lualaba, la tentative de verrouillage de la fonction présidentiel aux seuls candidats nés de père et de mère Congolais, ne laissent plus planer aucun doute sur la stratégie de Félix Tshisekedi. Le Chef de l'Etat tient visiblement à écarter tous les candidats de l'Est du pays de la prochaine course présidentielle. En suivant les traces de son prédécesseur Joseph Kabila qui avait déjà tordu le cou au principe d'inclusivité des élections, d'aucuns s'interrogent si tous les stratagèmes fourbis par le président Tshisekedi et ses hommes permettront de préserver la paix et l'unité à travers tout le pays au cours des 30 prochains mois !
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