Le verbatim d'une réunion stratégique des membres du Conseil de Sécurité du Haut Katanga qui s'est tenue le dimanche 17 novembre dans la résidence du Chef de l'État à Lubumbashi a été divulgué par un collaborateur d'une des autorités politico-administratives du Haut-Katanga, qui s'oppose à la politique des nouveaux maîtres du Congo. Quelques extraits de ce compte-rendu offrent un aperçu précieux de la nature humaine et des dynamiques de pouvoir en République Démocratique du Congo.
Extraits...
Eglise Catholique
Au cours des derniers mois, la succession de Monseigneur Utembi à la tête de la CENCO a provoqué des tensions au sein de l'épiscopat congolais. Félix Tshisekedi a tout mis en œuvre pour imposer un évêque considéré comme plus souple et conciliant : l'évêque José Moko Ekanga d'Idiofa. Cependant, l'élection a finalement vu triompher in extremis Monseigneur Fulgence Muteba, l'archevêque de Lubumbashi. Un revers inattendu pour Félix Tshisekedi. Perçu comme un irréductible adversaire de la dictature, Mgr. Muteba incarne le symbole de la réconciliation entre Joseph Kabila et Moïse Katumbi. À Lubumbashi, le conseil de sécurité a examiné le rôle de l'Église et de ses dirigeants, notamment le cardinal Fridolin Ambongo et Mgr Muteba. La position de Tshisekedi a été catégorique : "L'Eglise catholique, c'est l'Eglise la plus corrompue au monde. Je ne tolère pas cela. On va réveiller les autres. Ils vont voir. Il n'est pas question de les laisser manipuler la population".
Delly Sesanga
Fidèle à une vieille habitude de scruter en permanence les réseaux sociaux, Félix Tshisekedi suit attentivement les déclarations des opposants sur X (ex-Twitter) et dans certains groupes Whatsap. Récemment, il a même pris le temps d'écouter quelques bribes des « space » organisés sur twitter. Sans jamais plus intervenir, le Chef de l'Etat congolais agit dans les réseaux à travers une armée numérique dont il inspire les éléments de langage pour répondre aux attaques de ses adversaires. Les réactions aux discours de Kisangani et de Lubumbashi au cours desquels le Chef de l'Etat congolais est passé à la vitesse supérieure dans ses affirmations sur la nécessité de changer la Constitution ont été scrutées très attentivement. La vidéo publiée par Delly Sesanga a retenu l'attention de Félix Tshisekedi qui a affirmé : "Delly Sesanga, c'est quel type d'opposants ? Il avait proposé le changmenet de la Constitution. Voyez quand je parle des opposants. Je les connais tous. Aucun d'entre eux n'est sérieux !"
Joseph Kabila
Dans ses adresses répétées à la population, Félix Tshisekedi a dénoncé les ennemis de la RDCongo qui ont pactisé avec l'ennemi rwandais pour organiser le renversement de son régime. Il a publiquement déclaré que le premier a été battu à plate couture lors des élections de 2023 tandis que le second n'a même pas voulu s'engager dans le processus électoral. Tous les Congolais ont compris qu'il s'agissait de Moïse Katumbi et de Joseph Kabila. Les multiples appels du pied du Chef de l'Etat congolais pour une réconciliation avec son prédécesseur ont été autant d'échecs. Joseph Kabila a pris le chemin de l'exil volontaire. Muré dans le silence, l'ancien chef de l'Etat a observé sans réagir les mesures vexatoires du pouvoir à l'endroit de son épouse et des membres de sa famille. Les services de sécurité des plusieurs Etats de la sous-région l'ont tenu informé des allers et venues suspectes d'éléments dépêchés par Kinshasa avec mission de l'assassiner. Certains ont été arrêtés et renvoyés en RDCongo. Pour justifier le permis de tuer qu'il a lancé contre Kabila, Félix Tshisekedi a accusé ouvertement son prédécesseur d'être le maître d'oeuvre de la rébellion du M23 et de tirer les ficelles de la guerre à l'Est avec son allié Rwandais. Devant les membres du Conseil de Sécurité, F. Tshisekedi a affirmé : "Voilà, je vous informe que Joseph Kabila m'a envoyé des gens pour négocier avec moi. Mais je tais les noms. De toutes les façons, il n'en est plus question. Il doit être jugé. Il parle avec Nangaa tous les jours et j'ai des enregistrements".
Moïse Katumbi
L'ancien gouverneur du Katanga demeure la bête noire de Félix Tshisekedi. S'il considère que Joseph Kabila est un danger pour sa sécurité physique, le Chef de l'Etat congolais redoute tout autant la capacité de nuisance d'un homme dont la popularité au Katanga demeure incontestable. Au cours des dernières années, F. Tshisekedi a donné carte blanche à ses hommes afin d'en découdre avec M. Katumbi. Les arrestations des anciens députés Mike Mukebayi, celle de Daniel Safu, et du conseiller spécial devenu sénateur, Salomon Kalonda ont révélé la volonté d'en finir avec l'opposant katangais. L'assassinat de son porte-parole, l'ancien ministre Chérubin Okende a conduit à la rupture définitive entre les deux hommes qui étaient autrefois des amis. Récemment, la réhabilitation d'une petite piste d'aviation de brousse a permis de monter un dossier contre le président du TP Mazembe accusé de soutenir une rébellion armée à la frontière zambienne. Aux membres du Conseil de Sécurité, s'agissant de Moïse Katumbi, Félix Tshisekedi a couvert de louanges le Vice-Gouverneur du Haut Katanga, Martin Kazembe, originaire de Kashobwe, le village natal de Katumbi : "Félicitations au vice-gouverneur Kazembe. Tu nous a ouvert les yeux. Katumbi était prêt à nous attaquer avec la piste de Mulonde."
Sentant la menace de la montée en influence de son second, le gouverneur du Katanga, Jacques Kyabula a relevé malicieusement que le dossier était léger en affirmant : "La piste de Mulonde est très loin de la Zambie. En face, il n'y a rien. Dans le Haut Katanga, il y a deux pistes qui sont dangereuses, celle de Pweto et celle Kashobwe. Elles sont toutes les deux à moins d'un kilomètre de la frontière zambienne".
La réponse de Félix Tshisekedi a été sans appel : "Non, on sait que Katumbi est un peureux, il est parti en exil et il ne reviendra pas. Et même s'il revient, il faut l'arrêter, le juger et le condamner car je sais que s'il est là, il va bloquer le changement de la Constitution. Moi je vais foncer. Lui et Kabila, il faut qu'on en finisse."
Dans la discussion, le commandant militaire du Haut Katanga, le général Eddy Kapend est intervenu pour affirmer que "Ce sont Kabila et Katumbi qui ont découpé le Katanga".
En réponse, Félix Tshisekedi a déclaré : "Vous vous trompez Général, pour ça ce n'est pas Katumbi, c'est Kabila. C'est quand Katumbi réfléchissait bien. Mais pour nous, c'est aujourd'hui une question de vie ou de mort. De toutes façons, les gens du Katanga veulent jouer avec moi. Je vais encore envoyer deux bataillons ici à Lubumbashi. J'ai demandé que la force navale soit également renforcée de la Luapula jusqu'au Lac Moero. D'ailleurs, il faut changer tout le monde, tous ces militaires et leurs officiers ont été corrompus par Katumbi".
Dans le fil de la discussion, le Vice-Gouverneur Martin Kazembe est intervenu pour enfoncer le clou et renforcer la volonté de Félix Tshisekedi d'en découdre avec Moïse Katumbi, en affirmant :"Il faut arrêter Katumbi, car si on ne l'arrête pas, il va nous faire des problèmes. Je vais récupérer tous les gens du village. Pour couper l'influence de Katumbi et de Kabila au Katanga, il faut construire des maisons à tous les chefs coutumiers comme ça les n'auront plus aucun appui".
Dany Banza
Au cours de la réunion, le Conseil de Sécurité s'est également arrêté sur la situation économique dans le Haut Katanga. Une guerre d'influence sans merci se joue entre le gouverneur Jacques Kyabula et le sénateur Dany Banza, longtemps perçu comme l'homme de main du Chef de l'Etat mais aujourd'hui en perte de vitesse. Convaincu que Félix Tshisekedi a besoin d'une autorité provinciale forte et docile face aux dangers que représente le tandem Kabila-Katumbi appuyé par l'Eglise Catholique, Jacques Kyabula joue crânement sa chance en portant un coup à son adversaire le plus coriace dans le petit monde de la mafia katangaise partagée entre les Chinois et les Indiens. Ambitionnant de mettre la main sur les dizaines de millions USD que se partagent Dany Banza et Miguel Kashal Katemb, le patron de l'autorité de régulation sous-traitance, ARSP, le gouverneur du Haut Katanga a déclaré au Conseil de Sécurité : "Si nous ne parvenons pas à travailler et à rassembler les moyens nécessaires pour le développement du Katanga, c'est à cause de Dany Banza. Avec lui, c'est le désordre dans la sous-traitance. En réalité, c'est lui qui insécurise le plus le Katanga avec son groupe ".
Kagame - Museveni - Lourenço
Le Conseil de Sécurité a abordé les questions des frontières et des relations avec les pays voisins. Au cours des échanges, Félix Tshisekdi a rassuré les membres du Conseil :
"Je suis en bon terme avec la présidente de la Tanzanie. La dame nous aide à traquer les Congolais. Son mari est venu chercher les affaires à Kinshasa, il est avec nous. Vous le savez très bien, Joseph Kabila pensait y mettre une base arrière en Tanzanie. Les gens du M23 voulaient s'y installer. Et on est également très bien avec la Zambie. Le Président ne va pas accepter que quelque chose se passe chez lui. Moi, je combats Kabila, et lui combat l'ancien de chez lui qui est avec Katumbi. C'est un ami à moi. Pour l'Angola, vous savez que le président est de Malanji, il n'acceptera pas non plus que la déstabilisation du Congo vienne de chez lui"
Après avoir abordé les pays alliés de la RDCongo, Félix Tshisekedi a achevé son développement sur l'état de la Région en affirmant aux membres du Conseil de Sécurité : "Vous pouvez compter sur moi, je vais faire changer le régime rwandais. J'y arriverai si on me donne la chance de changer la Constitution. En en ce qui concerne l'Ouganda, il n'y a aucune illusion à se faire, Museveni est un fourbe, il le restera".
Commencée à 21 heures, la réunion des membres du Conseil de Sécurité s'est achevée à 23h30 sur l'annonce du déplacement du Chef de l'Etat congolais à Kanyama Kasese.
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