Depuis son accession au pouvoir, Félix Tshisekedi mène au frais du Trésor public congolais une vie de pacha. Par ses très nombreux voyages, le président congolais qui a décrété une gratuité scolaire introuvable aura au moins eu le mérite de permettre à tous les enfants congolais d’accéder à la géographie et à la connaissance de toutes les capitales. A Kinshasa, un nouveau palais présidentiel est en cours de finition. Cent millions USD y ont été engloutis. Le maître du cobalt, du cuivre, du nobium, de la tantalite, du lithium et des minerais les plus rares au monde peut bien s’offrir un petit joyau digne des palais de Samarcande, des jardins suspendus de Babylone ou du temple de Louxor. Rien n’est trop beau pour le Roi du Congo dont la liste civile dépasse celles des plus grands souverains du monde.
Depuis les premières élections démocratiques de 2006 qui ont marqué l’entrée du pays dans la troisième République, jamais les dépenses du Président de la République n’ont autant obéré le budget de l’Etat. Le nouveau maître du Congo Félix Tshisekedi a tout simplement fait exploser les dépenses du personnel de la Présidence qui, selon certains experts du gouvernement sont passées de 1% du Budget à 2,4% du Budget en 2020. Et les perspectives à venir ne sont pas réjouissantes !
Au signal d’alarme envoyé par l’Observatoire de la Dépense Publique, ODEP, sur le train de vie de l’Etat, une enquête fouillée sur les dépenses de la Présidence de la République sous le règne de Félix Tshisekedi Tshilombo révèle l’immense gouffre que constitue cette institution pour la RDCongo.
Le projet de loi de Finances de l’exercice 2022 déposé par le ministre du Budget indique que la Présidence congolaise est devenue une mangeoire où chacun trouve de quoi rassasier son appétit. Les prévisions budgétaires déposées au Parlement donnent les détails par section, rubrique budgétaire et chapitre des dépenses de la première Institution congolaise.
30 millions USD pour les dépenses couple présidentiel congolais
Une observation attentive de la ventilation des dépenses indique que les députés vont allouer au seul Roi Félix une liste civile digne des plus grandes cours européennes. Au titre du chapitre 10100, à la rubrique Bureau du Président, on lit que le Chef de l’Etat congolais se verra allouer 25 milliards FC, soit 12 millions USD pour l’année 2021. Les amoureux du football observent que Félix Tshisekedi touche l’équivalant de la prime annuelle versée par Chelsea à son attaquant vedette Roméo Lukaku. Comparaison n’est pas raison dit-on, mais on ne peut s’interdire de penser qu’avec 1 million USD/mois, le roi du Congo rejoint voire dépasse les plus grandes stars du ballon rond. Quant à son salaire du Chef de l’Etat, il est versé dans une autre rubrique qui affiche un modeste montant de 340 millions FC, soit 170.000 Usd. En réalité, cela correspond au salaire du Président Emmanuel Macron qui s’élève à 15.203 euros bruts par mois. Une broutille pour le nouveau roi du Congo !
Outre la liste civile, en 2022, le couple Félix-Denise pourra également puiser dans un fonds spécial d’intervention de 35 milliards, soit 17 millions USD, logé au Cabinet du Président. Disposant d’une enveloppe officielle de près de 30 millions USD, le Chef de l’Etat et la Première Dame peuvent voir l’avenir à l’abri de la gêne.
Quant au cabinet du Chef de l’Etat, ses effectifs ne cessent de grossir qui, pour l’exercice 2022, affiche une augmentation de personnel qui atteindra 1096 cadres et agents, son seul fonctionnement devrait coûter 55 milliards, soit plus de 27 millions USD auxquels il faut ajouter les rémunérations qui absorberont 93 milliards de FC, soit 46 millions USD.
Les familles royales européennes jouent la rigueur et la transparence
A titre de comparaison, en Belgique, où le PIB par habitant avoisine 40.000 USD/Habitant, le train de vie du Chef de l’Etat est bien plus modeste. La Liste civile du Roi s’élève à 11,55 millions d’euros sur laquelle le Souverain belge touche 370.000 euros pour ses frais personnels et ceux de sa famille. Aucune allocation n’est prévue pour la reine Mathilde. L’ancien roi Albert II reçoit quant à lui un modeste « salaire » de 15.500 euros mensuels. Au Pays-Bas, le Roi Willem Alexander touche un revenu personnel annuel de 998.000 euros, soit 83.167 euros par mois. Et un budget de 5 millions annuels a été voté pour payer son personnel et ses dépenses privées. Son épouse, la reine Maxima touche quant à elle 33.000 euros par mois et bénéficie d’un budget de 659.000 euros pour son personnel. La Reine Margrethe II du Danemark reçoit du gouvernement une dotation annuelle de 12 millions d’euros. Cette dotation qui, au Danemark, porte le nom de rente ou d’apanage couvre les frais de fonctionnement des cabinets de la famille. Il ne s’agit pas d’un salaire exclusif mais d’une enveloppe qui sert à payer les salaires des employés du palais et les frais d’entretien de certains bâtiments.
Au Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, le gouvernement alloue chaque année à Sa Majesté la Reine Elizabeth la somme de 11,2 millions d’euros afin de financer ses frais de représentation, ses dépenses courantes et l’entretien de ses palais. Il faut dire que la reine est à la tête d’une fortune de plus de 350 millions d’euros. La liste civile du Roi Felipe d’Espagne est inférieure à 8 millions d’euros. Le jeune roi a réduit sa liste civile et ordonné la publication annuelle de ses comptes.
En RDC, on vit sur un tout autre train. Mais rien à voir avec les vieilles couronnes européennes qui vivent dans la frugalité. La liste civile allouée au Roi du Congo est identique à celle des chefs d’Etat de Belgique, des Pays Bas, du Danemark et de Grande Bretagne. La comparaison s’arrête là! Petit hic, la RDCongo trône toujours au rang des pays les moins développés du monde. 75% de Congolais vivent avec moins de 2 USD/jour, le PIB/habitant n’atteint pas 450 USD et la pauvreté ne cesse de s’accroître. Les Nations-Unies annoncent que 27 millions de Congolais souffrent de malnutrition parmi lesquels 3 millions de jeunes enfants de malnutrition aiguë…
43 rubriques de dépenses pour les 13500 agents de la présidence congolaise
Depuis l’arrivée au pouvoir de Félix Tshisekedi en janvier 2019, les dépenses de la présidence sont en augmentation constante. Une analyse exhaustive des tableaux d’exécution des dépenses montre que les dépenses sont passées de 288 millions en 2018, à 320 millions en 2019 et 363 millions en 2020. Tout indique qu’une frénésie d’argent s’est emparée de la Présidence de la République. Selon l'ODEP, Félix Tshisekedi a créé une dizaine de services publics "budgétivores" à la présidence de la République, "jouant le même rôle que l’administration publique voir même le gouvernement légalement investi par le Parlement".
En réalité, aujourd’hui, plus de 42 services sont aujourd’hui à charge de l’Institution. La présidence de la République emploie plus de 13500 personnes. Outre le Cabinet du Président (1096), il s’agit de l’Inspection Générale des Finances (329), le Comité National de Sécurité (287), la Maison Militaire du Chef de l’Etat (525), le Service National (757+1744), la Clinique de la Cité de l’Union Africaine (77), le Secrétariat Général (2043), l’Office Privé du Chef de l’Etat (120), la Communication Présidentielle et Porte-Parole du Chef de l’Etat, le Comité National de Coordination de la lutte contre le Terrorisme International (423), l’Agence congolaise de la transition écologique & développement durable, la Cellule d’appui au programme d’urgence intégré et développement communautaire, le Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire & Stabilisation, le Cabinet du Ministre près le Président de la République, le Conseil présidentiel de veille stratégique, l’Agence Nationale de la Prévention et Lutte contre la Corruption (52), le Conseil National de la Couverture Santé Universelle, le Programme National Multisectoriel de Lutte contre le VIH/Sida, la Cellule du climat des affaires, le Mécanisme National du Suivi de l’Accord Cadre d’Addis Abeba (59), le Mécanisme Régional de Suivi de l’Accord Cadre d’Addis Abeba (0), le Bureau des services des Conseillers spéciaux, l’Agence pour la prévention & la lutte contre la traite des êtres humains, la Coordination pour le changement de mentalités, l’Agence pour le Développement et la Promotion du Projet Grand Inga (ADPI - 30), la Coordination des ressources extérieures et suivi des projets, la Lutte contre les Violences Sexuelles et le recrutement des Enfants (28), le Représentant personnel du Chef de l’Etat à la Francophonie, la Cellule de gestion des projets et des marchés publics, les Jeux de la Francophonie 2022, le Domaine Agro-Industriel de la Nsele (110), le Journal Officiel (401), le Fonds Social (71), les Invalides de guerre (388), les Réserves Stratégiques Générales (RSG - 351), et les Témoins privilégiés de l’Indépendance.
Au rang des services de la présidence les plus budgétivores, après le cabinet du Président de la République dont les crédits sollicités représentent près de 75 millions USD et le Bureau du Président qui avoisine 15 millions USD, soit 90 millions USD à eux deux représentant plus de 33% du Budget de toute l’Institution, l’Inspection Générale des Finances de Jules Alingete vient en troisième position avec des crédits avoisinant 50 millions USD pour le corps des 329 inspecteurs et membres du personnel de l’IGF, soit 20% des crédits de la Présidence. Enfin, les fonctions sécuritaires représentées par le Comité National de Sécurité (21 millions USD), la maison militaire (15 millions USD) et la coordination de la lutte contre le terrorisme international (11 millions USD), absorbent à eux trois également 20% des crédits de la Présidence.
Un Mont Ngaliema à cent millions de dollars
Parallèlement aux frais de fonctionnement et aux rémunérations, l’enveloppe pour les interventions sociales, culturelles et scientifiques sollicitée s’élève à 3,3 milliards FC, soit 1,6 million USD. Une rubrique intitulée, investissement sur ressources propres devrait absorber 24 milliards FC soit 12 millions USD sur lesquels apparaît un montant de 3 millions pour le palais présidentiel. En réalité, plus de 100 millions USD ont déjà été dépensés pour le Palais qui devrait recevoir les futures hôtes de marque de la République, parmi lesquels le très attendu souverain belge Phillipe 1er. Les dépenses effectuées pour la réfection du Palais n’ont jamais été contrôlées et ont été effectuées en dehors de toutes les règles les plus élémentaires de passation des marchés publics. SurfacturationS, détournements sur fonds de paiements de faramineuses commissions demeureront longtemps l’empreinte de ce chantier.
L’Observatoire de la Dette Publique a relevé qu’« à fin septembre par exemple, plusieurs institutions ont épuisé leur budget annuel. La présidence a dépensé 253,7 millions $ contre les crédits votés de 159,8 millions $, dégageant un dépassement de 93,9 millions $, soit 111%. En 2020, la même institution avait connu des dépassements : 177,8 millions $ utilisés contre les prévisions de 158,9 millions $, soit un dépassement de 18 millions $ ». Pour l’ODEP, ces dépassements budgétaires sont en partie liés au nombre pléthorique de personnels à la Présidence de la République et à la création de plusieurs services publics « budgétivores ». Et d’ajouter : « Ainsi, depuis le mois d’Août 2021, la Présidence engage les dépenses sans disponibilité de crédits. Conséquences, toutes les recettes additionnelles sont utilisées pour le fonctionnement, surtout dans des voyages du Président. En parallèle, les investissements nagent entre 3% à 5% des dépenses publiques ».
Alors que la rue congolaise gronde et qu’un profond malaise ronge la société, un expert du ministère des Finances atteste que « Nous sommes en train d'assister aux effets décalés des mauvais choix de politiques économiques dont un bon exemple a été la tentative d'administration des prix des produits alimentaires et des billets d'avion ». Il poursuit : « La mise en oeuvre désordonnée de la gratuité de l'enseignement a créé un choc macro-budgétaire sur le système de l'enseignement de base, que le pouvoir n'arrive pas à gérer au regard de la précipitation dans sa mise en œuvre dans une improvisation totale ». De toute évidence, les dépassements fustigés par l’ODEP représentent un clou dans la chaussure du ministre Kazadi. Les pressions sociales vont aller crescendo au fil des semaines. Dans un contexte politique tendu marqué par la mise en route laborieuse du nouveau cycle électoral, la RDCongo va au-devant de très grandes tempêtes. Jusqu’à présent, Félix Tshisekedi a été épargné des cyclones et des ouragans. Dans la période qui s’annonce, son habileté à maintenir le cap va être testée. Un conseiller du ministre du Budget rappelle à juste titre que « Le premier défi aurait dû être de concentrer les efforts dans la création d'un espace budgétaire à moyen terme par une meilleure mobilisation des ressources propres et une rationalisation de leur utilisation, afin de permettre de faire face aux besoins sociaux de base et en infrastructures ». Il n’en a pas été ainsi ! Loin de là, voyages et dépenses somptuaires ont marqué les débuts du règne des Tshisekedi. Reste à voir si les Congolais, d’habitude si résignés et fatalistes, continueront à regarder sans réagir le train de vie pharaonique de leur Président et de sa cour.
Bernard Mulumba
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