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  • Photo du rédacteurmutambak96

Les Swahilophones pensent à leur République de l’Est du Congo


Née le 9 juillet 2011, la République du Sud Soudan vient de souffler ses dix bougies. Cet anniversaire n’a pas laissé indifférentes les populations swahilophones de l’Est du Congo qui vivent dans la peur des massacres et des violences perpétrées depuis près d’une vingtaine d’années par les rebelles ougandais, les groupes armées congolais et les forces régulières congolaises. Si la naissance de l’Etat de l’Est du Congo tenait hier de la fantasmagorie, aujourd’hui, cette idée foisonne dans la tête et le cœur des populations martyrs de l’Est du pays.


De Aru à Kasumbalesa, en passant par Mahagi, Bunia, Beni, Kindu, Goma, Bukavu, Kalemie, Lubumbashi, Kolwezi ; du lac Edouard au Tanganyika en passant par le lac Albert et le lac Moero, les swahilophones parlent de leur indépendance. Cette aspiration est d’autant plus forte que le pouvoir central de Kinshasa est monopolisé par la communauté kasaïenne luba qui, sous l’autorité du nouveau président Tshisekedi, s’emploie à faire main basse sur l’Etat congolais et ses ressources. L’or, le coltan, le cuivre et le cobalt qui constituent plus de 90% des ressources d’exportations du pays sont issues des mines du Katanga, du Kivu et de l’Ituri.


Les promesses de ramener la paix et l’ordre n’ont pas été tenues. Pas plus que celles de gérer en bon père de famille les ressources minières au profit des populations. L’Etat de siège décrété par le président Tshisekedi est un échec. Les officiers militaires débarqués de Kinshasa ne sont pas parvenus à arrêter les massacres. Au contraire, les victimes se comptent par centaines. Chaque jour, des villageois sont massacrés. Les terroristes ADF et les groupes armés continuent à semer la terreur dans les villages du Nord Kivu. Les conflits inter-ethniques ont repris dans l’Ituri. Le Sud Kivu n’est pas épargné. Les groupes armés continuent à y prospérer. Dans les collines de Minembwe, les membres de la communauté Tutsi se sentent toujours menacés et sont prêts à reprendre les armes. Dans le Tanganyika et le Haut Katanga, le conflit avec les Twa se confond avec l’exploitation illégale des ressources et les exportations frauduleuses des minerais qui font la fortune de la famille Tshisekedi et de ses partenaires chinois et libanais. Quand l’Etat n’est pas confisqué par une petite poignée de proches du président congolais, son autorité est bafouée et réduite aux manœuvres de gouverneurs corrompus aux ordres du pouvoir central.



Les espoirs suscités par l’élection de Félix Tshisekedi en janvier 2019 ont été rapidement déçus. Les Congolais ont vite déchanté. Des discours du nouveau président, ils ne retiennent aujourd’hui qu’une volonté de s’enrichir et de se maintenir à tout prix au pouvoir. Et pour les populations de l’Est, le prix est lourd. Non seulement les massacres et le pillage des ressources naturelles continuent, mais les leaders de l’Est sont tous réduits au silence quand ils ne sont pas purement et simplement poursuivis et jetés en prison. Tels sont les cas de Vital Kamerhe condamné pour détournements de fonds publics, d’Augustin Matata Ponyo, poursuivi par la justice, de Joseph Kabila menacé de poursuites et de l’ancien gouverneur du Katanga, Moise Katumbi en délicatesse avec le pouvoir. A l’exception de l’ancien Premier ministre Matata, les trois autres leaders ont un trait commun. Tous trois ont signé des engagements avec Félix Tshisekedi. Sans le moindre scrupule, le nouveau président a dénoncé chacun d’eux afin de prendre le contrôle du pays.


Kamerhe bientôt libéré ?


A la veille des fêtes de fin d’année, les proches de Vital Kamerhe attendent fébrilement la sortie de prison de leur leader. Des indiscrétions évoquent une négociation menée par le conseiller spécial en matière de sécurité, François Beya, auprès de l’ancien directeur de cabinet du Président afin de trouver un accord. Si le pouvoir est prêt à reconnaître que Vital Kamerhe n’a pas volé, en contrepartie, dès qu’il sera sorti de prison et gracié, l’homme fort de Bukavu devra faire campagne en 2023 pour son ancien geôlier. "Si Vital Kamerhe parle, la Nation va s’écrouler", affirme avec lucidité un cadre du Comité National de Sécurité, CNS, qui suit le dossier mené par son chef Beya.

De toute évidence, Félix Tshisekedi n’a pas intérêt à garder plus longtemps son ancien allié en prison. Du côté de l’UNC, le parti de Kamerhe, les esprits s’échauffent. "L’an dernier, le président Tshisekedi avait déjà promis aux enfants et à Hamida que Vital allait sortir. Il n’a pas tenu sa promesse. Cette fois, s’il ne fait rien, nous allons nous mettre tous debout", déclare un haut cadre du Secrétariat général du parti. Tous les proches de l’ancien président de l’Assemblée Nationale ont pourtant conscience du chantage que vit leur leader. "Vous vous rendez compte, on veut que nous fassions à nouveau campagne pour Tshisekedi !", dit avec dégoût un proche de Vital Kamerhe qui s’interroge pour savoir si Augustin Matata qui vient de bénéficier d’une décision de la Cour Constitutionnelle miraculeuse n’a pas cédé lui aussi au chantage du pouvoir.

"Vital Kamerhe sera notre candidat ou rien !", grondent les jeunes de l’UNC qui affirment que leur leader est innocent. "Félix Tshisekedi veut se moquer de nous. Il a oublié que l’épouse de notre président a vendu une de ses maisons pour financer sa campagne. Et c’est comme cela qu’il nous remercie", dit un membre de la famille qui exige une libération sans condition de Kamerhe. "Vital n’a jamais parlé. Tout le monde sait qui a pris l’argent des 15 millions USD. Même Maman Marthe et quelques frères du président ont pris cet argent", se murmure-t-il dans les couloirs du parti. Les langues se délient. A mesure que la fin de l’année approche et que la grâce présidentielle est négociée, la tension monte dans l’UNC.

Plusieurs cadres de l’UNC affichent aujourd’hui un radicalisme sans fard. La ligne dure du parti rejette tout rapprochement avec l’UDPS. Preuve en est, aucun drapeau ne figurait à l’accueil du Président de retour de sa tournée euro-américaine. Le signal est clair. Les troupes de Vital Kamerhe sont déterminées à exercer la pression pour la libération de leur autorité morale. "Tous les enfants de l’Est doivent se rassembler et se mettre debout si Vital Kamerhe n’est pas libéré. Nous irons voir Kabila et Katumbi s’il le faut. Cette comédie ne peut plus durer. Si les autres ne veulent pas nous suivre, ils n’ont qu’à rester avec les Kasaïens", dit-on tout haut à l’UNC. Si la coalition CACH-FCC a explosé avec le divorce entre Félix Tshisekedi et Joseph Kabila. Au sein de CACH, l’accord de Naïrobi qui consacrait un partage de pouvoir entre Tshisekedi et Kamerhe qui devait lui succéder en 2023 a lui aussi volé en éclat. De ce document, il ne reste que quelques cendres.

"En deux années, Félix Tshisekedi a tribalisé le pouvoir. Les Baluba occupent tous les postes de responsabilités d’Etat. C’est une tribu contre toutes les autres", affirme un ancien conseiller de Kamerhe. Le récent passage en force du Président congolais pour la nomination du nouveau président de la CENI atteste effectivement de la dérive dans laquelle s’enfonce le pouvoir de Kinshasa. Denis Kadima et la jeune rapporteur de la CENI, Patricia Nseya, sont tous deux originaires du Kasaï. Or, les textes sont clairs. Ce sont ces deux-là qui signeront le procès-verbal de résultat des prochaines élections. Le vice-Premier ministre de l’Intérieur et de la Sécurité, Daniel Asselo Okito, qui a la main sur la police et la sécurisation du processus électoral est lui aussi du Kasaï. Tout comme la ministre d’Etat de la Justice, garde des Sceaux, Rose Mutombo Kiese et le Président de la Cour Constitutionnelle, Dieudonné Kaluba, sont tous des Kasaiens. Il en va de même du Procureur général près la Cour Constitutionnelle Jean-Paul Mukolo Nkokesha, le pourfendeur de l’ancien Premier ministre Matata. Félix Tshisekedi a également nommé deux Balubas du Kasaï à la tête du ministère des Finances et de la Banque Centrale. Nicolas Kazadi et Marie-France Malangu Kabedi Mbuyi complètent en effet le dispositif qui visent à verrouiller par les originaires d’une même province, voire d’une même ethnie, l’organisation des prochaines élections.

"Nicolas Kazadi et Denis Kadima sont deux grands amis qui ont travaillé récemment en 2018 dans l’organisation des élections à Madagascar", affirme un cadre de la CENI. Spécialiste des élections, Kadima est l’homme lige de Félix Tshisekedi qui a pris le risque de s’opposer frontalement aux deux puissantes confessions religieuses pour l’imposer à la tête de la CENI. Le jour de la publication de l’ordonnance de nomination de Denis Kadima, son ami Nicolas Kazadi créditait le compte de la CENI du montant de 100 millions USD par le débit du compte de la BECECO qui est devenu la caisse noire du régime. Ce transfert empressé est la démonstration de la volonté de marquer les esprits des observateurs de la prise de contrôle du système électoral par le clan Tshisekedi.

Face à la machine Tshisekedi qui déroule avec la force de moyens financiers colossaux, la mainmise sur la Justice et la CENI, les adversaires du régime sont à l’évidence en bien mauvaise position pour affronter le pouvoir kasaïen. Mais la partie est encore loin d’être jouée pour le pouvoir. La réaction populaire ne s’est pas faite attendre. Sous l’égide du CALCC et de MILAPRO, les puissantes centrales de l’Eglise Catholique et de l’Eglise Protestante, la population se mobilise afin que les élections de 2023 ne soient plus la reproduction de la parodie organisée par Joseph Kabila.




Si le Kivu est rangé derrière Vital Kamerhe et Matata Ponyo, au Katanga, la population bouillonne. "Quand on grandissait, on avait peur du Katanga", déplore un ancien de la Gécamines. "Cet esprit katangais de Moïse Tshombe doit réveiller les Katangais", affirme le retraité. L’homme rappelle que le président congolais avait d’abord pactisé avec Moïse Katumbi, puis avec Vital Kamerhe et enfin avec Joseph Kabila. "Tout le monde sait que c’est Martin Fayulu qui avait gagné", dit l’homme qui regrette que Joseph Kabila ait fait confiance à Félix Tshisekedi. A travers tout l’Est du pays, la jeunesse congolaise est prête à en découdre. "Ils peuvent nous mettre tous en prison, nous les jeunes, nous ne nous laisserons pas faire", affirment les jeunes de la Société Civile de Goma. "On se mettra tous ensemble pour en finir avec ceux qui veulent conserver le pouvoir en violant nos lois. Et nous sommes prêts à aller voir et soutenir le Dr. Mukwege, le prix Nobel de la Paix, s’il le faut pour faire tomber ce régime", dit un jeune pour qui une tribu ne peut à elle seule défier toutes les autres tribus du pays. Symbole de la contestation contre l’instrumentalisation de l’appareil de l’Etat congolais par le clan Tshisekedi, les messages sont signés #uncontre tous ! De toute évidence, à l’Est, les choses bougent. La République de l’Est du Congo est bel et bien en marche !




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