
Depuis le mois de mars 2022, le M23, un des principaux groupes armés a repris les armes. Des affrontements violents ont eu lieu dans les territoires de Rutshuru et de Nyirangongo. La capitale du Nord Kivu est à nouveau menacée. Spectacle désolant de ces dizaines de milliers de foyers obligés de tout abandonner pour errer sur les routes cabossées d’une province en état de siège. La détresse se lit sur tous les visages. L’attaque du camp militaire de Rumangabo et le blocage de la route Goma-Rutshuru à partir de Kibumba dans le territoire de Nyirangongo par des hommes armés suspectés d’être approvisionnés par le Rwanda a créé la panique générale.
L'inquiétant retour des machettes
A Goma, les appels à l’auto-défense se multiplient. Le commissaire divisionnaire de la police nationale du Nord Kivu demande à la population de se prendre en charge. Il demande à tout le monde de se munir de machettes pour soutenir les forces armées de la RDC et empêcher la chute de Goma entre les mains du M23. L’évocation des machettes rappelle le génocide rwandais. Les Tutsis congolais se sentent à nouveau la cible des autres communautés. Pour preuve, à en croire les récits des Kivutiens, un colonel FARDC aurait été purement et simplement exécuté le 25 mai 2022 par la troupe conduite par d’autres officiers congolais. Son crime était d’appartenir à la communauté Tutsi. Il se dit que plusieurs soldats rwandophones aurait été arrêtés et emmenés vers une destination inconnue. Selon le M23, fin décembre, dans le Sud Kivu, plusieurs éléments FARDC issus de la communauté des Banyamulenge auraient été brûlés vifs. Dans ce contexte, l’ambassade des Etats-Unis appellent les ressortissants américains à éviter l’Est du Congo.
A travers le Kivu et en RDCongo en général, on assiste bel et bien à un retour à la case départ. Jamais les références ethniques, la xénophobie et le racisme n’ont été aussi forts. A travers le pays, tous les Congolais fustigent unanimement le Rwanda pour le soutien apporté au M23. Les appels à la guerre sont de plus en plus fréquents. Au dernier sommet de l’Union Africaine à Malabo, en l’absence remarquée de Félix Tshisekedi, son ministre des Affaires Etrangères, Christophe Lutundula - un ancien proche de Moïse Katumbi rallié au président congolais - s’est fendu d’une déclaration accusant ouvertement le Rwanda d’engager une nouvelle guerre en RDCongo. A Kinshasa, ce vendredi 27 mai, le gouvernement a pris la décision de suspendre tous les vols de la compagnie Rwandair et a adressé une mise en garde à Kigali.

En dépit de la reprise des positions du M23 par les FARDC, le climat de tension persistante qui règne dans toute la région est perceptible. Le 27 mai, le Chef d’Etat major de l’armée ougandaise, Muhoozi Kainerugaba, le fils du Président Yoweri Museveni, déclare dans un tweet « Ce n’est pas un crime d’être Tutsi ou Hima ou Hema ou Munyamulenge ! Le M23 cherche le dialogue depuis des années. La communauté de l’Afrique de l’Est devrait aider à résoudre le problème ». Et le fils de Museveni, formé à la Royal Military Academy Sandhurst, la plus grande école de guerre de Grande-Bretagne, poursuit dans un second tweet : « J’étais assez jugé enfant pour ma tribu, mon look, ma langue, etc. Je m’opposerai toujours aux gens qui pensent comme ça. Les Tutsi/Hima dans l’Est de la RDCongo ne devraient pas du tout être victimes. Les conséquences pourraient être terribles ». Peu avides de tweets, Muhoozi qui commande les troupes ougandaises déployées en RDCongo ajoute le 28 mai au matin «Après avoir terminé avec les ADF, nous nous concentrerons sur les Interahamwe dans l’Est de la RDCongo. Des criminels qui ont massacré nos frères et sœurs en 1994. Le temps des bavardages touche bientôt à sa fin ».
Les Ougandais sont partis pour rester
Les Congolais doivent se résoudre à l’évidence. Tout indique que les troupes ougandaises ne sont pas du tout prêtes à quitter l’Est du Congo. Quant aux forces rwandaises, elles disposent par le biais du M23 des supplétifs en nombre qui assurent à Kigali une présence par forces interposées en RDCongo.
En réalité, la diplomatie de Félix Tshisekedi prend l’eau de toute part. Empêtré depuis plusieurs mois dans une situation de siège au Nord Kivu et en Ituri, le Chef de l’Etat congolais semble ne plus savoir à quel saint se vouer pour reprendre la situation en main. Le bilan sécuritaire à l’Est se révèle être un désastre. Depuis qu’il a décrété l’état de siège et confier le pouvoir civil à l’autorité militaire, le nombre de massacres et de victimes n’a jamais été aussi élevé. A une année des élections présidentielles, pour F. Tshisekedi, la barque est pleine et le naufrage semble inévitable.

Il n’en fallait pas plus pour réveiller l’opposition politique congolaise. Dans un communiqué vindicatif, les FCC de Joseph Kabila s’en prennent directement à Félix Tshisekedi pour la légèreté avec laquelle il gère les relations entre la RDCongo et ses voisins de l’Est. Dans leur déclaration, les FCC rappellent que « au moment de la cuisante défaite du M23, les éléments de ce mouvement rebelle avaient trouvé refuge dans deux pays voisins bien connus, le Rwanda et l’Ouganda, abandonnant armes et munitions sur le terrain de combat ». Et les hommes de Kabila de s’interroger : « Comment expliquer aujourd’hui que ces mêmes éléments se retrouvent de nouveau sur le sol congolais, bien équipés et défiant nos forces armées, sans qu’aucune explication ne soit donnée par le gouvernement de la République, moins encore exigée et obtenues de ces pays d’accueil ? ».
Crime de lèse-naïveté
Aux yeux des opposants, Félix Tshisekedi est passible du crime de lèse-naïveté. Tout en exigeant du gouvernement congolais des explications claires sur les accords militaires et économiques avec le Rwanda, l’Ouganda et le Kenya, les FCC dénoncent sans détours « la gouvernance chaotique, irresponsable, sans vision, sans appréhension correcte des enjeux et des défis, entre Etats souverains de la région du Président Tshisekedi et de son gouvernement, gouvernance dont cette guerre est la triste conséquence ». Visiblement l’étau se resserre autour du président congolais.
En RDCongo, entre ce qu’on voit et la réalité des choses, il y a toujours place à des accords et des pactes secrets. Creuser au-delà des apparences conduit à établir certaines vérités. Interrogé pour connaître l’état de la situation, un officier supérieur originaire du Kivu révèle de manière stupéfiante que la résurgence du M23 a été négociée entre les présidents Tshisekedi et Museveni. A l’approche des élections prévues en 2023, le premier veut détourner l’attention des Congolais de l’échec de l’état de siège et de son bilan catastrophique, et le second veut, quant à lui, prolonger la présence de ses troupes en RDCongo afin de sécuriser ses intérêts économiques, notamment l’exploitation des blocs pétroliers de l’Albertine et la réhabilitation des routes de Kasindi à Goma en passant par Beni et Butembo. Dans la sous-région, avec les pétroliers français Total et le chinois CNOOC, l’Ouganda tient le manche économique et veut le conserver à tout prix.

Les armes du M23 sont congolaises
L’officier congolais qui a souhaité garder l’anonymat pour des raisons évidentes affirme que «Des militaires fraîchement formés au Kasaï ont été infiltrés dans le secteur de Goma. Les armes du M23 proviennent en partie de l’armurerie congolaise. Nous assistons à un vrai cinéma ». Il poursuit en déclarant que « le Président Tshisekedi est conseillé par des anciens généraux de Joseph Kabila qui lui ont recommandé d’agir comme son prédécesseur qui, pour afficher un bilan positif, avait obtenu une victoire contre les M23 un an avant les élections ». Selon ce commandant, on assiste actuellement à une répétition de ce qui s’est déroulé sous le mandat du Président Joseph Kabila. « Cette guerre arrange tout le monde. Le Président Tshisekedi tient un prétexte pour ne pas organiser les élections en 2023. L’Est ne pourra pas voter. Pendant ce temps toutes les dépenses de l’effort de guerre hors budget sont canalisées dans sa poche et celles de ses amis de Kinshasa ».
Voyage discret à Naïrobi
Le silence actuel de Félix Tshisekedi confirme le malaise réel qui règne dans les plus hautes sphères du pouvoir de Kinshasa. Dans la plus grande discrétion, le Chef de l’Etat congolais s’est rendu la semaine dernière en visite privée pour quelques heures à Naïrobi afin d’y rencontrer le président Uhuru Kenyatta. Les deux hommes sont associés dans diverses opérations financières. Après la disparition inopinée de son beau-frère Gilbert Mundela qui gérait ses comptes logés dans les banques kenyanes, Félix Tshisekedi s’occupe personnellement de ses avoirs. Il vient de confier l’approvisionnement du carburant de l’Est à une société kenyane appartenant à la famille Kenyatta. Cette société pétrolière gérée par un proche de Tshisekedi, Tony Kanku, bénéficie des exonérations sur le carburant importé en RDCongo.
Par ailleurs, la société attributaire du marché des routes entre Kasese en Ouganda et Goma, via Kasindi et Beni-Butembo est issue d’un consortium dans lequel se retrouvent les familles Tshisekedi et Museveni. De quoi justifier le surcoût des travaux.
Pas d'élection en 2023
Ces informations économiques vérifiées à Naïrobi et à Kampala expliquent les raisons cachées du nouvel embrasement du Kivu. Le contexte de la reprise de la guerre fait partie d’un scénario préparé par plusieurs hauts responsables opérant dans les cercles des pouvoirs de Kinshasa, de Kampala, de Kigali et de Naïrobi. Le pillage systématique de la RDCongo trouve dans ce énième conflit le carburant qui lui manquait. Avec à la clé plusieurs dizaines de millions de dollars détournés du Trésor congolais et une bonne foi de premier communiant, Félix Tshisekedi va bientôt annoncer son incapacité à organiser les élections pour cas de force majeure.
Bien naïfs seront les Congolais et les observateurs internationaux qui attesteront demain que cette situation était imprévisible et inévitable et qu’elle a échappé à tout contrôle.
Encore un fois, ce sont des centaines de milliers d’innocents – hommes, femmes, enfants – abandonnés à leur triste fort qui vont faire les frais de la trahison des nouveaux maîtres du Congo
Bernard Mulumba.
Comments