Après une opération chirurgicale à Bruxelles, Félix Tshisekedi est de retour à Kinshasa. Le président fraîchement élu aborde une étape difficile. Sur le plan interne, quatre mois après les élections, les chefs des partis de sa majorité s'impatientent. Tous sont avides de fonctions officielles pour récupérer les fonds investis dans leur campagne. Sur le plan international, F. Tshisekedi voit ses appuis régionaux se dérober d'autant plus qu'à l'Est, la guerre prend des allures de défaite face aux AFC/M23. La guerre diplomatique menée par Kinshasa qui a longtemps misé sur l'isolement de Kigali marque le pas. Preuve en est du nombre de délégations qui se sont déplacées à Kigali pour commémorer le 30ème anniversaire du génocide Tutsi.
Les nombreux voyages à l'étranger de Félix Tshisekedi n'ont apporté aucun appui substantiel à la RDCongo. Et la visite d'Etat programmée à Paris fin avril ne semble pas être beaucoup plus prometteuse.
Quelques jours avant son départ en Europe, Félix Tshisekedi avait dépêché en Angola Christophe Lutundula et Jean-Pierre Bemba afin de solliciter l'appui du puissant voisin et lui demander de déployer des troupes en RDCongo pour faire face aux rebelles du AFC/M23. Devant le tandem congolais, le ministre des affaires étrangères Téte Antonio a opposé une fin de non-recevoir à la requête congolaise en prétextant le rôle de médiateur joué dans le conflit. En réalité, le président Joao Lourenço refuse d'envoyer ses forces au secours d'un régime où les responsables détournent les dépenses affectées à l'effort de guerre et laissent leurs troupes à l'abandon.
La décision angolaise est également confortée par l'attitude des troupes de la SADC déployées dans le Nord Kivu. Elle ont pris le parti de ne plus s'exposer face à la rébellion congolaise. En quelques semaines ce sont près d'une cinquantaine d'éléments de la South African National Defence Force (SANDF) - armée sud-africaine - qui se sont rendus aux AFC/M23. Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a profité de son déplacement à Kigali pour plaider en faveur du retour de ses boys en Afrique du sud. Lors de la déroute sud-africaine du matériel lourd aurait été saisi par les AFC/M23 parmi lequel deux blindés en état de marche.
L’Afrique du Sud s’éloigne du pouvoir congolais
Le revirement de l'Afrique du Sud ne fait plus aucun doute. Les déclarations publiques de l'ancien président Thabo Mbeki, qui appelle à la prise en compte des revendications de la communauté des Tutsi congolais à travers la tenue d'un dialogue, annoncent le retrait des troupes sud-africaines de RDCongo. "Il faut que les Congolais gèrent leur problème entre eux", affirme un universitaire sud-africain. D'autant qu'à quelques semaines des élections générales prévues le 29 mai prochain, Cyril Ramaphosa et l'ANC traversent une passe difficile.
Plusieurs sondages prédisent que l'ANC passera sous la barre des 50% des voix pour la première fois depuis 1994. Dans ce contexte, Cyril Ramaphosa ne peut se permettre de maintenir des troupes sud-africaines dans un conflit pour lequel Kinshasa ne donne aucun signe de vouloir chercher une solution de dialogue interne. Attendu à Kampala, le président sud-africain veut s'assurer que l'Ouganda appuiera son retrait du bourbier congolais.
A Kinshasa, les espoirs de reconquête des territoires de l'Est a laissé place au découragement et à la lassitude. Les exactions commises par les Wazalendo - groupe d'auto-défense indisciplinées et mal encadrées - énervent la population. La levée du moratoire sur la peine de mort décidée par Kinshasa atteste de la difficulté du régime congolais à endiguer la progression des AFC/M23 qui encerclent Goma. L'arrestation des plusieurs personnalités accusées d'être de mèche avec les rebelles congolais et leur transfèrement à Kinshasa accentuent le fossé et l'incompréhension entre Tshisekedi et la communauté Tutsi.
Le petit jeu de Bemba
Dans la capitale congolaise, Jean-Pierre Bemba ne cesse de vitupérer contre Félix Tshisekedi. L'ancien chef de guerre ne cache plus son mépris à l'endroit du Chef de l'Etat congolais. "Félix ne connaît rien à l'armée et se laisse endormir par ses frères kasaïens", laisse entendre Bemba à son entourage en affirmant que s'il ne dépendait que de lui, il en aurait fini depuis belle lurette avec la rébellion de Corneille Nangaa. En réalité, JP Bemba n'a pas digéré le camouflet qui lui a été infligé par Augustin Kabuya et Peter Kazadi lors des élections. Réduit à une vingtaine d'élus dans le nouveau parlement, le MLC se voit contraint à jouer les utilités dans la nouvelle équipe gouvernementale de Judith Swamina-Tuluka. En privé, Bemba accuse les leaders Balubas d'être ses pourfendeurs.
Dans le même temps, pour donner le change, Bemba s'en prend ouvertement aux Evêques du Grand Equateur. Il leur reproche leur hostilité et n'hésite pas à leur envoyer des messages dans lesquels il les enjoint de se désolidariser des ennemis de la RDCongo. Jamais trop prudent, pour endormir la méfiance de ses détracteurs, Bemba a pris l'habitude de montrer et commenter ses sms à Félix Tshisekedi.
Au sein de la communauté kasaïenne luba, le double-jeu de Bemba ne leurre personne et certainement pas Jacques Tshisekedi en charge de la sécurité présidentielle. "Avec la moitié de ce que Bemba empoche, n'importe qui aurait déjà gagné la guerre ", dit-on à la Présidence où l'on accuse le Chef du MLC de faire le jeu des rebelles. Au Palais de la Nation, personne ne s'explique comment les militaires déployés au front ne reçoivent pas leur ration.
Des carcasses hors de prix
La colère grandit parmi les proches du Chef de l'Etat. "Bemba est venu simplement se refaire une santé financière. En plus des fonds détournés sur les dépenses de guerre, chaque mois, il reçoit 500.000 Usd pour le dédommagement de ses avions envoyés à la casse sur ordre de Joseph Kabila", affirme un conseiller du président. Alors que ces vieux aéronefs ne valaient pas 300.000 Usd, sur instruction du Chef de l'Etat, Bemba est arrivé à obtenir de la justice un montant de près de 20 millions USD à charge de la régie des voies aériennes. L'amertume est grande dans l'entourage de Félix Tshisekedi car c'est un Bemba totalement requinqué financièrement qui fait avec ingratitude et sans aucun scrupule le pari de la chute du régime.
A l'image de chef du MLC, félons, maîtres-chanteurs, renégats et méchants fourmillent au sein de l'Union Sacrée. Augustin Kabuya, le secrétaire général de l'UDPS, ne s'y est pas trompé en annonçant des jours à venir difficiles pour l'Union Sacrée et ses 95% de députés.
Comments