Entre Félix Tshisekedi et Jean-Pierre Bemba, son ministre de la Défense, le torchon brûle. Officiellement, l’ancien chef de guerre affiche une façade de sérénité, mais en coulisses, la confiance entre les deux hommes est en lambeaux.
Dans les cercles privés, le ressentiment du Président congolais envers Jean-Pierre Bemba est désormais bien connu. Au sein de la famille Tshisekedi, on ne s'en cache pas. On considère que Bemba est devenu encombrant. Sous le sceau de la confidence, un proche de Félix Tshisekedi confie que les liens sont irrémédiablement rompus. "Le Président Tshisekedi ne sait plus à qui faire confiance. Il sait que Bemba profite de la guerre pour se faire beaucoup d'argent, mais il ne voit aucun résultat sur terrain. Que des promesses et des dépenses", affirme ce conseiller.
Les observateurs de la vie politique congolaise voient dans l'éviction de Caroline Bemba, la sœur du chairman, du poste de rapporteur-adjoint au Bureau de l'Assemblée Nationale initialement adopté par la majorité de l'Union Sacrée, un signe qui ne trompe pas. Si le Chef de l'État avait souhaité gratifier son allié politique, il se serait imposé et n'aurait pas infligé à son ministre de la Défense une telle humiliation, d'autant plus personnelle.
Bemba se sent trahi
Les adversaires politiques de Bemba, tels que Jean-Lucien Bussa et Guy Loando, rient sous cape, se réjouissant de l'infortune de celui qui se voulait une figure incontournable dans l'Ouest du pays. Pour eux, l'avenir de JP Bemba se conjugue au passé.
Sur l’avenue Pumbu, où réside l'ancien Vice-Président, occupant l’arrière de la maison paternelle, la colère gronde. Quelques jours après la tentative de coup d’État de Malanga, le président du MLC s’est confié à un visiteur. "L’homme est furieux. Il en veut à Tshisekedi qui le trahit", rapporte l'interlocuteur. Bemba s'est dépensé sans compter pendant la campagne électorale. Il est monté au front et il a mouillé son maillot. Sur le plan militaire et diplomatique, Bemba affirme que ses relations ont été cruciales pour débloquer la situation avec le Président angolais Lourenço. Selon Bemba, c’est grâce à lui que des hélicoptères ont été envoyés pour les dernières élections. Pourtant, Tshisekedi sabote délibérément l'accord de Luanda et refuse de mettre en œuvre le dialogue préconisé. Bemba dit aussi maintenir le contact avec les Ougandais, anciens alliés de sa rébellion du MLC, et considère que Tshisekedi fait fausse route en le marginalisant et en l'humiliant devant sa famille et ses cadres. Bemba étend également ses liens jusqu’à Brazzaville, où ses relations avec le président Sassou se sont renforcées.
Ce qui touche également l'ancien Vice-Président de la République, c'est le manque de considération voire l'hostilité qui prévaut à son endroit au sein de la maison militaire du Chef de l'Etat et dans plusieurs bureaux de l'Etat-Major. "Les généraux kasaïens se liguent contre moi pour gérer l’argent de la guerre. Ils veulent me faire endosser des dossiers sales", jure-t-il, accusé d'avoir acquis des drones surfacturés et de s’enrichir sur les dépenses militaires à l’Est.
Le cœur de Bemba saigne surtout de l’éviction de sa sœur du ticket de l’Union Sacrée négocié avec Augustin Kabuya. Malgré des promesses de compensation pour Caroline et son mari, l'ancien gouverneur Jean Bamanisa, Bemba ne croit plus en la sincérité de Tshisekedi. Une place au sein du gouvernement n'effacera pas l'affront que vient, à la face de tous les Congolais, de vivre sa famille. "Aujourd'hui, Jean-Pierre Bemba est déterminé à faire payer au prix fort l'outrage que lui a infligé Tshisekedic, affirme notre correspondant.
"Mboso a trop volé "
Bemba ne cache pas son mépris pour Christophe Mboso, reconduit au Bureau de l'Assemblée comme Vice-Président de Kamerhe. "Mboso a trop volé, il ne veut pas partir", dit-on dans l’entourage de Bemba. A la suite du récent vrai-faux coup d'Etat de Malanga qui a défrayé la chronique, la thèse selon laquelle le pouvoir a cherché à se débarrasser de Vital Kamerhe est largement admise parmi les cadres du MLC. "Nous sommes aussi sur nos gardes. Avec eux (les Kasaïens), tout est possible", confie-t-on au Secrétariat général du parti.
Au MLC, les langues se délient. Le départ de l’ancien porte-parole Jean-Jacques Mamba, passé au M23/AFC de Corneille Nanga, a suscité une vague de suspicion. Les souvenirs des élections et du contentieux qui s'en est suivi restent vivaces. "On nous a dépouillés des sièges promis. On a été relégués après tous les autres alliés et devons nous contenter des miettes", déplore une proche du Secrétaire Général du Parti.
Bemba veut sa revanche
Décidé à prendre sa revanche, le leader de Gemena promet désormais de rendre coup pour coup. "Je m’opposerai au changement de la Constitution. Félix ne peut pas nous imposer son histoire de Constitution des belligérants. Elle a été adoptée par référendum avec 85% des voix. Je ne tolérerai pas qu’une poignée d’individus défasse ce que nous avons construit pour l’unité du pays", affirme Jean-Pierre Bemba, déterminé à empêcher tout changement constitutionnel.
Avant de quitter Jean-Pierre Bemba, le visiteur entend celui en qui Mobutu voyait un fils véritable dire : "Le Maréchal avait raison, il ne fallait jamais leur donner le pouvoir…"
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