Dans les salons de l’Union Africaine, le champagne Ruinart coule à flots. En près de quatre années de pouvoir, Félix Tshisekedi a appris à recevoir ses hôtes de marque. Aujourd’hui, c’est le tour des Chefs d’Etat de la CEEAC qui ont fait le voyage de Kinshasa pour un sommet présidé par leur homologue congolais. Et pour la circonstance, Félix Tshisekedi a fait appel aux talents de JB Mpiana pour agrémenter la soirée. Selon la rumeur kinoise, l’artiste et ses danseuses dont le dernier album remonte à plus d’une dizaine d’années, aurait touché un plantureux cachet de 100.000 dollars US pour cette soirée.
Le nouveau Petit "Baby doc" qui vivait de l'aide sociale belge
En RDCongo, plus personne ne s’étonne des frasques de Félix Tshisekedi. Le régime congolais s’enfonce de jour en jour dans la caricature d’une dictature molle, paresseuse et sournoise. « Un soupçon du Haïtien Duvallier, un zeste du Tunisien Ben Ali et une bonne rasade du Philippin Marcos. Voilà le cocktail détonnant qui dirige le plus grand pays d’Afrique centrale », commente un diplomate en poste à Kinshasa. A dire vrai, Denise Nyakeru-Tshisekedi n’a elle non plus rien à envier à Michèle Duvallier, Leïla Ben Ali ou Imelda Marcos qui toutes creusèrent les tombes des anciens maris dictateurs. La Première Dame congolaise suit ses illustres prédécesseurs car elle n’hésite pas non plus à placer ses frères, ses sœurs et ses anciens amants dans des fonctions d’Etat ou dans les affaires.
Avec Denise et Félix, tout est dans la démesure. La réhabilitation du Palais présidentiel qui accueille les réjouissances présidentielles a coûté l’extravagant montant de 120 millions USD. Dans ce marché hors norme, une entreprise belge de construction a empoché à elle seule la coquette somme de près de 80 millions USD. Le site totalement remis à neuf, ses fontaines, ses jardins et ses villas cossues, est le lieu des fredaines de la famille Tshisekedi. Luxe, calme et volupté, rien n’est trop beau ni trop cher pour la fratrie qui vivait il y a peu sur le compte de la sécurité sociale belge.
Coucheries à gogo
A quelques kilomètres du Mont Ngaliema et du complexe de l’Union Africaine, Félix Tshisekedi a installé au Palais de Marbre, l’ancienne résidence de Laurent Désiré Kabila, une garçonnière où il accueille le plus clair de son temps des jeunes proies recrutées par ses rabatteurs dans la capitale congolaise. A Kinshasa, tout ressemble à une fin de règne. On mène grand train. On voyage en jets privés. On achète des appartements aux promoteurs indiens ou libanais. On additionne les conquêtes féminines. Bref, on dépense au vu et au su d’une population réduite à la misère la plus criante. Mais en RDCongo, rien n’est vraiment comme ailleurs. La passivité et la résignation du peuple congolais ne cessent de surprendre. On pourrait croire que Félix Tshisekedi et son régime sont promis à durer.
Le retour des machettes
Mais pendant que les danseuses de JB Mpiana se déhanchent sous les yeux torves des hôtes de marque du nouveau Roi du Congo, à Goma, à Beni et à Butembo, la jeunesse se révoltent. Dans les provinces de l’Est, le chaos est total. La chute de la cité frontalière de Bunagana entre les mains de la rébellion du M23 pro-rwandais et les accusations de Félix Tshisekedi contre Paul Kagame ont exacerbé le sentiment anti-Tutsi et la montée d’un ultra-nationalisme teinté de racisme et de xénophobie, alimenté par les discours va t-en guerre des autorités congolaise. Tout le pays a vibré aux exploits des FARDC. Les Congolais se sont mis à rêver que les FARDC allaient défaire le M23 et que la chute de Kigali était une histoire d’heures. A Kinshasa, à l’instigation des amis du Président Tshisekedi, les machettes sont à nouveau sorties l’espace d’une ou deux journées folles. Pendant plusieurs semaines, où qu’ils se trouvent au Congo, les Tutsis étaient condamnés à se cacher quand ils n’étaient pas traqués, poursuivis et parfois tout simplement tués.
Après avoir dénoncé le Rwanda comme principal soutien au M23, exalté le sentiment de haine anti-Tutsi et invité la population à soutenir la guerre de reconquête, le gouvernement Tshisekedi a appelé les Etats de l’EAC à constituer un contingent pour déloger le M23 de Bunagana. Deux mois d’improvisations et de déconvenues diplomatiques ont conduit Félix Tshisekedi à reprendre le chemin des négociations avec le Rwanda. Le prix Nobel de la Paix, Dr. Mukwege sortait de sa réserve pour dénoncer l’entrée en RDCongo de nouvelles troupes étrangères.
Insupportable aveu d'impuissance
Entre-temps, le 29 juin, à New York, la représentante du Secrétaire Général des Nations Unies, Mme Bintou Keita lançait un avertissement inquiétant en affirmant que« si le M23 continue ses attaques bien coordonnées contre les FARDC et la MONUSCO avec des capacités conventionnelles croissantes, la mission pourrait se trouver confrontée à une menace qui va au-delà de ses capacités actuelles ». Après 23 années de présence en RDCongo, le constat d’impuissance de Mme Bintou Keita était interprété par la population congolaise comme un retentissant aveu d’échec de la plus grande mission de maintien de paix des Nations Unies. Les autorités congolaises trouvaient malicieusement dans cette déclaration le parfait bouc-émissaire pour expliquer leur inaptitude à venir à bout de la rébellion pro-rwandaise. Après tout, si la mission la plus onéreuse des Nations Unies n’arrivait pas à défaire le M23, pourquoi s’en prendre aux pauvres FARDC confrontés à une milice armée par le Rwanda ?
Bahati en pyromane suicidaire
En mal de popularité dans son fief du Kivu et se sentant menacé par le retour en grâce dans le premier cercle du pouvoir de Vital Kamerhe, le président du Sénat Modeste Bahati Lukwebo se fendait lui aussi d’un discours hostile à la présence de la MONUSCO. Dans un meeting populaire, le second personnage de l’Etat congolais exigeait dans un discours incendiaire le départ des casques bleus. Rien de moins ! Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres. En quelques heures, à Goma, à Butembo, à Uvira, des centaines de jeunes pillaient les installations des troupes onusiennes. Bilan : trois casques bleus tués et une trentaine de victimes parmi les manifestants.
« Bahati a été très imprudent. Il a allumé le feu, il sera sacrifié par Félix Tshisekedi qui considère que le président du Sénat est devenu encombrant », affirme un analyste politique qui conclut que « Tout comme son prédécesseur Joseph Kabila, Félix Tshisekedi veut lui aussi le départ de la MONUSCO car le désordre persistant à l’Est du Congo et sans témoin lui est profitable pour éviter les élections. Tout ce chaos arrange bien ses affaires ». Sale temps pour Modeste Bahati qui portera vraisemblablement le chapeau de la vague de violences dont les troupes onusiennes viennent de faire les frais.
Hésitation présidentielle et déballage public de Kabund
Reconduction ou non de l’Etat de siège décrété dans les provinces de l’Est, retour ou non des troupes étrangères en RDCongo, maintien ou non de la MONUSCO, négociation ou pas avec le Rwanda ? Dans la gouvernance de la RDCongo tout est hésitation ou improvisation. Sur le plan sécuritaire, le bilan est catastrophique. Quant à ce qui est de la politique interne, ça ne va vraiment pas mieux pour le maître du Congo.
Après une période de silence, le 18 juillet, l’ancien président a.i. de l’UDPS et ancien Vice-Président de l’Assemblée Nationale, Jean-Marc Kabund a décidé de faire son « coming out ». Et de quelle manière ! L’ancien compagnon de route de Félix Tshisekedi s’est mis à table en dénonçant ouvertement la corruption, les détournements et la délinquance financière du régime. L’ancien patron de l’Union Sacrée a accusé sans hésitation Félix Tshisekedi de préparer une mascarade électorale pour les prochaines présidentielles. Un retournement politique inimaginable tant Jean-Marc Kabund est le détenteur de tous les secrets de Félix Tshisekedi et de son clan.
Les menaces de Maman Marthe
Quelques heures après cette conférence de presse, sur ordre de Félix Tshisekedi, le procureur de la République sollicitait et obtenait du Bureau de l’Asemblée Nationale la levée de l’immunité parlementaire de JM Kabund. Réaction immédiate du clan Kabund. « Si un procès est organisé, nous exigeons qu’il soit télédiffusé comme l’a été le procès de Vital Kamerhe », affirme un proche de l’ancien président de l’UDPS. A Limete, la réaction est tout aussi épidermique. On ne décolère pas. Maman Marthe Tshisekedi a appelé JM Kabund pour le menacer. « Si tu oses encore t’en prendre au Président, tu le paieras », lui aurait-elle dit. Rien n’y a fait. JM Kabund est plus déterminé que jamais. Selon une confidence glanée à Kingabwa, JM Kabund aurait dit à ses proches « Quitte à tout perdre, ils peuvent tout prendre chez moi. Je ne suis pas Vital Kamerhe qui s’est tu. Je mettrai tout sur la place publique ».
Au sein de l’UDPS, les troupes sont divisées. Y compris au sein des fameux Wewas, ces motards qui sèment la terreur dans la ville et que d’aucuns assimilent à la milice de l’UDPS. Pour le moment, Félix Tshisekedi a décidé de recourir à tous les instruments de la puissance publique pour en découdre et neutraliser Kabund. Pour l’heure, la décision de placer l’ancien président de l’UDPS en détention a été arrêtée. Une équipe de juristes est au travail afin d’identifier le patrimoine de l’ancien Vice-Président de l’Assemblée Nationale. Les juristes et les hommes du renseignements sont instruits de relever les preuves de l’enrichissement sans cause de JM Kabund et de tout lui confisquer.
Les calculs de Fifi
« Même si nous savons que Fifi Masuka (la gouverneure du Lualaba) a été sa maîtresse, elle voudra préserver sa place et nous donnera toutes les informations sur ce que possède Kabund au Katanga», affirme un des avocats de l’équipe mise en place à la présidence pour préparer le dossier de mise en accusation de l’ancien vice-Président de l’Assemblée. « Nous allons présenter tous les éléments de corruption et montrer tout ce que Kabund a accumulé en deux ans » assure-t-on dans les cercles de Félix Tshisekedi. Parmi les obstacles qui se posent à l’équipe de juristes, il se dit qu’en accord avec son ancienne compagne Fifi Masuka, l’ancien président de l’UDPS avait pris soin de revendre les carrés dont il était détenteur bien avant de s’en prendre à Félix Tshisekedi. L’homme dispose d’une belle trésorerie. Elle explique en partie sa détermination à en découdre avec le Chef de l’Etat congolais. « Ton pouvoir c’est mon pouvoir. Si tu veux avoir ma tête, je suis moi aussi déterminé à te nuire », aurait rétorqué JM Kabund lors de son dernier échange avec Félix Tshisekedi. Depuis, les deux hommes ne se sont plus parler.
A 18 mois des prochaines élections, les rangs des troupes de fidèles de Félix Tshisekedi se sont éclaircis. « Il ne reste autour du Président que les commerçants, les commissionnaires et les chasseurs de primes. Tous les politiques ont disparu », se lamente un conseiller du Président. Quant aux alliés, il faut se contenter de JP Bemba qui est devenu le chantre du pouvoir et de son plus proche ennemi Guy Loando qui tente de coaliser avec Dany Banza une petite troupe hétéroclite de jeunes leaders politiques. Pas de quoi ébranler le paysage politique congolais.
Aujourd’hui, Félix Tshisekedi cherche à garnir ses rangs de nouveaux alliés. Jusqu’à présent, la pêche est maigre. A peine quelques ministres de Moïse Katumbi qui craignent de perdre leur poste. Si le Chef de l’Etat congolais ne craint rien des Martin Fayulu, Matata Ponyo, Delly Sesanga et Adolphe Muzito, par contre, il redoute la réconciliation des filles et fils du Katanga initiée par l’archevêque de Lubumbashi, Monseigneur Fulgence Muteba. Tous les services de renseignements suivent désormais à la loupe les agissements de Joseph Kabila et de Moïse Katumbi.
Colère katangaise
Pour preuve, l’enlèvement de Jimmy Kitenge, le communicateur le plus performant de l’ancien président Kabila par l’ANR au petit matin du 26 juillet, juste avant une émission télévisée. Cet enlèvement annonce une guerre impitoyable entre les Balubas du Kasaï et les Katangais. « S’ils veulent la guerre, ils l’auront. Nous ne nous en laisserons pas compter par ceux qui croient être devenus les nouveaux propriétaires du Congo », affirme-t-on à Lubumbashi.
A la veille de la sortie politique de l’ancien président et de la rentrée parlementaire qui devrait voir Moïse Katumbi clarifier sa position par rapport à son appartenance à la majorité de l’Union Sacrée, tout le monde est déterminé à répondre coups pour coups. « Quand on préfère sponsoriser un concert au stade de Wenge plutôt qu’organiser le défilé du 30 juin ou quand on choisit de danser avec JB Mpiana plutôt qu’apporter une assistance aux populations victimes de la guerre, on ne mérite pas de diriger le Congo », dit-on dans l’entourage de l’ancien Président Kabila où l’enlèvement de Jimmy Kitenge est la goutte d’eau qui risque de faire déborder le vase.
Décidément, on peut craindre que le calme précaire actuel ne soit que de très courte durée en RDCongo. L’appareil sécuritaire et judiciaire de Félix Tshisekedi réussira-t-il à réduire longtemps au silence une population katangaise qui voit les ressources minières être dilapidées par un régime mono-ethnique de jouisseurs ? Rien n’est moins sûr !
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