Ce mercredi 30 août 2023, au petit matin, la sortie brutale d’Ali Bongo de la scène politique par un putsch mené par le chef de sa garde présidentielle marque les esprits dans l’entourage de Félix Tshisekedi. La vidéo du chef de l’Etat gabonais renversé appelant à « faire du bruit » a renforcé le doute qui planait au Palais de la Nation sur la stratégie du forcing électoral. Face à l’incertitude d’élections chaotiques dont les résultats pourraient conduire à une révolution, le Chef de l’Etat Congolais a décidé de lancer une offensive générale contre le M23 et le Rwanda. Pour les faucons du régime, le choix de la guerre a le mérite de rassembler la Nation autour du Chef de l’Etat et de repousser les échéances électorales de décembre de plus en plus incertaines. Pour une poignée d’officiers et les responsables du ministère de la Défense, la guerre a aussi l’avantage de leur permettre de gagner beaucoup d’argent !
Depuis la décision du Conseil de Sécurité des Nations Unies de lever la notification d’achat d’armes et matériels militaires, la course à l’armement bat son plein en RDCongo. Sous couvert de la guerre contre le M23, les officiels congolais – tant militaires que civils – se transforment en commissionnaires et en marchands d’armes. L’argent facile et les plantureuses commissions attirent les requins de tous bords en RDCongo.
Bemba Vs Kamerhe pour une grosse poignée de dollars
Comme en Ukraine, le gouvernement congolais ne veut pas que la guerre finisse. Si l’armée congolaise échoue à s’imposer sur le terrain, les décaissements de fonds connaissent, eux, une hausse considérable, passant de 459 millions de dollars en 2021 à près de 700 millions en 2022. Une partie importante de ce pactole est géré par le général Franck Ntumba, le chef de la maison militaire de Félix Tshisekedi. Le nouveau Vice-Premier Ministre de la Défense, l’ancien chef de guerre Jean-Pierre Bemba a difficile à s’imposer dans le circuit d’achat des armes et des équipements militaires. D’autant que la priorité dans les dotations est réservée à la garde présidentielle qui est aujourd’hui suréquipée.
L’enveloppe allouée à l’achat des armes et aux frais généraux relève du Budget de l’Etat géré par le ministre Nicolas Kazadi. La réserve stratégique issue des pétroliers relève quant à elle de la gestion du Vice-Premier Ministre de l’Economie Vital Kamerhe. Composée d’une quote-part du prix du carburant, soit 200 FC/litre à la pompe, l’enveloppe avoisine 10 millions USD/mois sur laquelle en raison de l’effort de guerre, le ministère de la Défense exige une rétrocession de 50%. Aujourd’hui les deux vice-Premier Ministre Bemba et Kamerhe sont à couteaux tirés sur l’utilisation des fonds. L’ancien chef de guerre accusant ouvertement son homologue de lui refuser l’accès aux ressources. Entre les deux alliés de Félix Tshisekedi, le torchon brûle !
La guerre à tout prix Aux difficultés politiques de gestion de ses alliés, Félix Tshisekedi fait face à l’enlisement de la situation sur le terrain face aux rebelles du M23. En vue de lancer l’offensive, Kinshasa a passé commande de neuf drones armés de fabrication chinoise dont elle attend la livraison imminente. Il s’agit d’appareils de type CH-4 Rainbow produits par la société publique China Aerospace Science and Technology Corporation (CASC). Les drones chinois de la marque CH – 4 sont assez similaires au MQ – 9 reaper de de l’entreprise américaine « General Atomics ». Trois ont été livrés en mai dernier, 3 autres seront livrés d’ici le mois de septembre. Le solde est attendu vers la fin de l’année. Ils seront stationnés sur l’aéroport militaire de Kavumu distant de 30 Km au nord de Bukavu (Sud-Kivu).
Le déploiement des drones chinois complète un arsenal militaire acheté en Russie où Félix Tshisekedi a passé en octobre 2022 la commande de plus au moins 7 hélicoptères militaires russes pour renforcer sa capacité de feu. L’exécutif congolais a également budgétisé près de 230 millions de dollars sur 4 ans pour acquérir des véhicules blindés de combat et de l’artillerie russe. En janvier 2023, en signe de soutien, Vladimir Poutine autorisait une importante livraison d’armes et munitions russes destinées aux FARDC pour un volume de plus de 160 tonnes.
Des troupes hétéroclites
En vue de renforcer son armée, le Chef de l’Etat congolais a fait appel à un millier de mercenaires sous les ordres de l’ancien légionnaire français Horatius Porta, ex-lieutenant Henry. Une partie de ces paramilitaires relèvent de la société bulgare Agemira appartenant à Olivier Bazin, alias le colonel Mario. Les deux hommes disposent d’un profil très particulier. Horatius Porta est l’ancien garde du corps en chef de l’Emir du Qatar. Il fut un moment inscrit sur la fiche de paie de la société Wagner de Prigogine. Quant à Olivier Bazin, l’homme est réputé pour ses opérations de blanchiment d’argent et de ventes d’armes.
« L’Est de la RDCongo est en pagaille. On trouve des Kenyans, des Sud Soudanais, des Burundais, des Ougandais et même des mercenaires blancs. Tout le monde vient mettre son nez dans les affaires du Congo ! », avoue médusé un jeune de la société civile très active dans la région. Aux côtés des éléments de la MONUSCO, ceux des forces de l’East African Community, EAC, et des paramilitaires roumains, bulgares et biélorusses, les milices congolaises ne sont pas en reste. Près d’une centaine de groupes armés et des extrémistes Wazalendo opèrent dans la région. Cette coalition bigarée s’enrichit de 500 éléments des forces angolaises déployées avec l’accord du parlement angolais et d’un contingent de la SADC.
Pour couronner cett aréopage hétéroclite de forces étrangères, le gouvernement de Kinshasa s’appuie sur les extrémistes rwandais FDLR qui sèment la terreur dans la région depuis près de 30 ans. Récemment, le fils de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana a été aperçu à Kinshasa. La rumeur circulent dans la capitale congolaise sur la présence d’une compagnie d’éléments FDLR intégré dans la garde présidentielle de Félix Tshisekedi. « Si le nombre fait la force, la RDCongo ne fera qu’une bouchée du M23 et du Rwanda » affirme un diplomate sceptique sur la capacité des FARDC et de leur commandant suprême à venir à bout de la rébellion.
Sur le plan diplomatique, le Chef de l’Etat congolais est à la peine. En dépit de ses multiples voyages et des mandats qu’il a occupé à la tête de la SADC et de la CEEAC, Félix Tshisekedi cherche toujours des alliés en capacité à épauler les FARDC. Le 29 août, à l’invitation du Chef de l’Etat congolais, le président du Burundi Evariste Ndayishimiye effectuait deux jours de visite dans la capitale congolaise. Il clôturait son séjour par la signature d’un accord de défense. « La RDCongo et le Burundi sont comme l’écorce et l’arbre, et donc ils doivent préserver leurs intérêts de manière commune. L’accord et un accord d’entraide dans le système de défense » affirmait Evariste Ndayishimiye. Depuis deux ans, les troupes régulières burundaises et les Imbonerakure font des incursions régulières en RDCongo afin d’y pourchasser les rebelles RED-Tabara avec l’indulgence complaisante des autorités congolaises.
Le niet de Museveni
Cette visite burundaise vient après l’échec essuyé par le Chef de l’Etat congolais dans sa volonté d’attirer l’Ouganda dans la guerre contre le Rwanda. Des indiscrétions glanées au sein du Palais de la Nation à Kinshasa font état d’une mission effectuée par le général Chico afin de faire une offre d’alliance avec le Président Museveni. Flanqué du ministre de la coopération régionale Antipas Mbusa Nyamwesi qui dispose de certaines entrées au State House à Entebbe, l’officier congolais a été mandaté par Félix Tshisekedi afin de faire à son homologue ougandais l’offre d’un bloc pétrolier dans l’Albertine en échange du soutien du contingent ougandais composé de 7.000 éléments à l’offensive imminente que les FARDC s’apprêtent à lancer contre le M23 et le Rwanda. La proposition alléchante n’a pas été acceptée par le Président Museveni qui a resserré ses liens avec le Rwanda.
Lune de miel Kigali - Brazza
Face à la menace congolaise qui se précise, le Président rwandais a lui aussi lancé une offensive diplomatique tous azimuts dans la région. Le Rwanda dispose de troupes stationnées en Centrafrique. Elles peuvent à tout moment franchir la frontière nord de la RDCongo. Quant aux relations entre Brazzaville et Kigali, elles sont plus que jamais au beau fixe. Tous les observateurs ont constaté les gestes d’amitié que se sont portés Denis Sassou Nguesso et Paul Kagame lors de la visite du Chef de l’Etat brazzavillois à Kigali.
Tenu informé par les services américains et britanniques des velléités de plus en plus affirmées du régime de Kinshasa de lancer une offensive contre son pays, le président Kagame vient de restructurer son système de défense en nommant le Major Général Emmy Ruvusha à la tête de la 1ère division qui couvre la capitale Kigalis et la Province de l’Est. D’autres officiers ont été nommés afin de prévenir la menace congolaise. C’est dire si les bruits de botte sont pris très au sérieux dans le camp rwandais.
Désormais, l’avenir de la RDCongo et du Rwanda sont suspendus à la décision que Félix Tshisekedi va prendre dans les prochains jours. La chute de la maison Bongo constitue un avertissement sans frais pour ceux qui veulent opter pour le tripatouillage électoral. La crainte des élections conduira-t-elle le régime congolais à un affrontement avec son voisin direct ? L’avenir le dira !
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