Après avoir été écarté de la Défense Nationale, ensuite du Bureau de l'Assemblée et maintenant du Bureau du Sénat, le MLC va de déroute en déroute. La situation est délicate pour Jean-Pierre Bemba.
A la toute dernière minute, le Président du MLC avait écarté son beau-frère, l'ancien gouverneur de la Province Orientale et de l'Ituri, Jean Bamanisa, qui ambitionnait de devenir le rapporteur du Sénat pour lui préférer sa soeur Françoise Bemba. Cette dernière a été impitoyablement écartée de la course dès le premier tour. Critiqué de toutes parts pour ce coup de Jarnac contre son beau-frère, en début de semaine, Jean-Pierre Bemba a jugé utile de parler en comité très restreint à ses hommes de confiance pour désamorcer la crise interne qui couve dans son parti. De cette rencontre, plusieurs indiscrétions ont fuité. La confession de Bemba, qui hier encore rêvait de devenir le prochain Chef de l'Etat congolais, vaut son pesant d'or. Tout indique qu'on frôle la dépression !
"Si l'Union Sacrée a vu le jour, c'est grâce à Katumbi et à moi. Je me suis battu pour ce type, il me prend aujourd'hui pour un gamin", vitupère Jean-Pierre Bemba devant une poignée des hauts cadres du MLC. L'ancien chef de guerre ne décolère pas. La déconvenue enregistrée par sa soeur Françoise Bemba au premier tour de l'élection du rapporteur du Sénat est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. "Bemba est profondément blessé dans son orgueil. Même s'il se fiche des autres et n'hésite pas à leur faire des sales coups, il apparaît aujourd'hui comme une marionnette aux mains de Félix et ça lui est insupportable", affirme un de ses anciens compagnons de route. A cette nouvelle humiliation vécue lors de l'élection du Bureau du Sénat s'ajoute la déception des membres du MLC. Les plus courageux d'entre eux ne se gênent plus dans les réseaux sociaux pour critiquer le népotisme assumé de leur chef.
"Avant la campagne, Félix m'avait assuré qu'après son deuxième mandat, il allait se retirer. Il m'a dit qu'il avait besoin de moi et que j'allais lui succéder. Il m'a dit qu'il était un homme de parole. J'ai joué le jeu", affirme JP Bemba devant un auditoire silencieux et médusé devant tant de naïveté. L'ancien Vice-Premier Ministre de la Défense a le coeur gros quand il évoque les efforts qu'il a déployés pour obtenir lors de la dernière campagne présidentielle des faveurs des hommes du Président Lourenço. "C'est moi qui ai donné l'idée à Félix de demander des hélicoptères aux Angolais. J'ai insisté auprès d'eux afin qu'ils lui fassent confiance. Il lui ont donné les hélicoptères", s'enorgueillit Bemba. L'ancien Vice-Président se ressaisit en disant : "Vous avez vu comme j'ai fait campagne en hélicoptère en prenant des risques. J'aurais pu perdre la vie dans le mauvais temps. Et aujourd'hui, qu'est-ce qu'il aurait fait de mes enfants ?"
« Personne ne peut lui faire confiance »
Pour justifier le choix dans lequel il a embarqué son parti, JP Bemba continue sa confession. "Quand on a créé l'Union sacrée, je voulais la Primature. Katumbi m'appuyait. C'est Tshisekedi qui nous a roulés. Pour montrer ma bonne foi, j'ai accepté la vice-primature de la Défense. Pour la campagne électorale, nous avons monté des faux dossiers contre Katumbi pour qu'il perde sa crédibilité. Ça a marché. Et maintenant Félix me paie en monnaie de singe".
Le besoin de parler à son entourage est assez rare chez Bemba. Habitué à la trahison, l'homme préfère se refermer dans sa coquille et ne jamais laisser rien paraître de ses états d'âme. Mais ses collaborateurs constatent aujourd'hui que la chute de sa soeur ne passe vraiment pas. "Félix est un mauvais, personne ne peut lui faire confiance. Quand il a eu des problèmes avec l'Eglise, il m'a appelé car il sait que je suis le cousin du cardinal. J'ai pesé de tout mon poids afin que le Cardinal lui pardonne l'agression contre sa maison et toutes les insultes qu'on lui a adressées", affirme Bemba avec des regrets dans sa voix. Il continue :"On ne peut rien attendre de bon de Tshisekedi. Il croit aujourd'hui que le pays lui appartient. Il ne réfléchit que tribu. Il vient même de nommer le fils de sa soeur à la tête des services. Je sais comment il fait. C'est lui qui a organisé le remplacement de Jean pour ensuite monter les sénateurs contre Françoise. Il a toujours été hypocrite et il le restera".
Rupture Bemba - Tshisekedi
Pour les hommes de Bemba, il n'y a plus aucun doute. La rencontre de début de semaine leur a confirmé que la rupture entre Bemba et Tshisekedi est définitive. Les sourires et les poignées de main seront désormais de façade. L’ancien chef de guerre semble avoir appris la valeur de la patience. Il n'y aura pas de divorce brutal avec le clan des Kasaïens. Il n'hésite pas à exprimer à ses proches son regret concernant Jean-Jacques Mamba.
L'histoire du Mouvement de Libération du Congo (MLC) est marquée par une succession de divorces et de départs. La liste des personnalités et des esprits brillants ayant quitté celui qui aspirait à devenir le successeur du Maréchal Mobutu est longue : Lunda Bululu, Olivier Kamitatu, Antoine Ghonda, Alexis Thambwe, José Endundo, Delly Sesanga, François Muamba, Thomas Luhaka, Jean-Lucien Busa, Jacques Ndjoli, pour ne citer qu'eux. Une raison commune semble guider ces départs : la brutalité et l'égo surdimensionné d'un homme qui rêvait de régner. Dix ans d'enfermement à la prison de Steveningen, en périphérie de La Haye, n'ont pas suffi à étouffer cette ambition, qui, au fil du temps, prend de plus en plus des allures de désillusion croissante.
Pour se consoler, Jean-Pierre Bemba clôt sa réunion en évoquant la figure tutélaire du président Mobutu. "Le Maréchal avait mille fois raisons quand il a dit qu'il ne fallait jamais faire confiance à Tshisekedi". Quarante années sont passés. L'histoire n'a pas changé ! Sauf que cette fois, c'est un Tshisekedi qui commande et Bemba qui marche le doigt sur la couture du pantalon !
Comments