A quelques mois de la fin de son mandat, le candidat Félix Tshisekedi doit gérer la guerre des chefs de sa famille politique qui se joue au Katanga. Entre Ghislain Nyembo et Dany Banza, rien ne va plus. Tous les coups sont permis. Le premier joue la carte de l’UDPS tandis que l’autre a décidé de faire une OPA hostile sur l’UNAFEC de feu Gabriel Kyungu. En toile de fond de ce conflit, les immenses ressources générées par les mines du Katanga et la caisse noire du pouvoir.
“Comment Félix Tshisekedi peut-il sous-traiter le Katanga à un homme qui hier était avec Joseph Kabila, ensuite avec Moïse Katumbi et le G7, avant de mettre le cap sur le PALU et, finalement, de faire la campagne électorale en faveur du candidat Shadary en décembre 2018 ? » s’interroge, hors de lui, un haut cadre de l’UDPS. La belle vitrine de l’Union Sacrée dans la province stratégique du Katanga cache de plus en plus difficilement le désordre et les mauvaises odeurs de l’arrière-boutique.
Si les affaires continuent à générer de plantureux profits pour la famille Tshisekedi, notamment la gestion des carrés miniers investis par les proches du Chef de l’Etat, sur le plan politique, rien ne semble marcher. Que du contraire ! Les épisodes réguliers de violences des jeunes de l’UNAFEC contre le Chef de l’Etat ne sont en réalité qu’une des manifestations les plus visibles de la guerre d’intrigues qui se joue à Lubumbashi et à Kolwezi. Selon un proche du président fédéral de l’UDPS, Fabien Mutomb Kan-Kato, le responsable de tout cet imbroglio n’est autre que Dany Banza, l’ambassadeur itinérant du Chef de l’Etat. L’homme qui gère les comptes de Félix Tshisekedi dans plusieurs paradis fiscaux veut à tout prix conserver la main sur le Katanga et se rendre indispensable pour son chef.
« Après la mort de Baba Kyungu, Dany Banza a racheté l’UNAFEC qui est actuellement entre les mains de la veuve Mireille Masangu. En même temps, il a organisé la dissidence du fils turbulent Lolo Kyungu qui a créé l’ANAFEK », explique un des anciens collaborateurs de Gabriel Kyungu. Inconsolable, l’homme poursuit : « En réalité, les gouverneurs Jacques Kyabula du Haut Katanga et Fifi Masuka du Lualaba ainsi que le ministre des ITPR du Haut Katanga, Miguel Kantemb Kashal paient à Dany Banza le prix de leur protection. Avec cet argent, Banza peut acheter toutes les fidélités ». Les moyens quasi-illimités dont dispose le bras-droit de Félix Tshisekedi suscite la jalousie au sein de l’UDPS. Alors que Dany Banza peine à rassembler quelques dizaines de personnes dans les meetings de son parti ACO, l’UDPS Katanga est aujourd’hui la grande perdante de la stratégie de Félix Tshisekedi.
Dans son obsession de demeurer incontournable, Dany Banza recourt à l’achat des membres de la famille présidentielle dont il assure la couverture financière ainsi qu’à des manœuvres politiques inspirées de la lecture de Machiavel. Ainsi, allumer discrètement l’incendie de la maison pour l’éteindre est une manière habile de gagner les faveurs du maître. Et à ce jeu, Dany Banza sait y faire.
Pompier pyromane
Avec un cynisme assumé, les manifestations qui ont suivi la mise en place controversée au sein de la territoriale ont été orchestrées par l’ambassadeur itinérant dans le but de démontrer au Chef de l’Etat une capacité à maîtriser la colère katangaise. Et pas seulement ! En jouant au pompier-pyromane, Dany Banza vise également à marquer des points face à un autre Katangais qui monte dans le sérail présidentiel, Ghislain Nyembo, le directeur de cabinet du Chef de l’Etat. Le successeur de Vital Kamerhe, agit ouvertement à partir du Palais de la Nation pour réduire l’influence de Dany Banza.
Au sein du parti présidentiel, là aussi, on ne décolère pas. Récemment, le Secrétaire Général Kabuya a effectué une descente à Lubumbashi pour mesurer l’état de ses troupes. Il s’est rendu compte que l’action de sape de Dany Banza a largement miné l’UDPS. « Comment un homme dont les membres de son parti tiendrait dans un appartement peut-il tenir tête à l’UDPS ? », se plaint un des lieutenants de Kabuya qui se plaît à dire, non sans une dose de perfide ironie, que « Dany Banza et son micro-parti ne peuvent rien apporter à Félix Tshisekedi ».
D’ici le mois de juin, date de dépôt des candidatures aux élections législatives, l’agitation risque de grandir dans toutes les officines katangaises. En dépit de ses talents avérés d’entremetteurs, rien n’indique que l’ambassadeur itinérant du Chef de l’Etat pourra gérer les ambitions de ses fidèles qui veulent prendre le contrôle de la gestion du Katanga. Si aujourd’hui tout le monde suit la couleur des billets généreusement distribués par Dany Banza, à la veille des élections la base risque de déserter les leaders qui ont vendu leur conscience. On n’achète pas les convictions. Or, sur ce terrain, la grosse plate-forme électorale en gestation pour soutenir Félix Tshisekedi au Katanga risque de se dégonfler comme une baudruche. Hormis la forte concentration kasaïenne présente à Lubumbashi, ailleurs – à Kolwezi, Kalemie, Kamina - c’est le désert !
Un "petit Raspoutine"
En fin de compte, la politique de double langage et les intrigues risquent de faire long feu. Au siège de l’UDPS à Limete, on entend dire dans l’entourage du Secrétaire Général Augustin Kabuya et de Peter Kazadi que « L’argent facile grapillé par la famille présidentielle sur les comptes des Chinois et des Libanais dans les mines ne sera pas utile si la politique est abandonnée entre les mains d’un incompétent ». Il en va de même dans les couloirs de la présidence où les proches de Ghislain Nyembo n’hésitent pas à affubler l’ambassadeur itinérant du surnom de Raspoutine, ce mystique russe dépravé qui murmurait à l’oreille des Romanov avant d’être assassiné.
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